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Full text of "Le triomphe de l'Évangile; ov, Sermon svr la devxieme epistre de sainct Pavl avx Corinthiens, prononcé au synode assemblé a Cajarc, av mois d'octobre 1652"

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ExI^ris 


PROFESSOR  T.S.WILL 


Cfic3 


Library 

of  the 

University  of  Toronto 


LE  -  f 

TRIOMPHE 

L'ÉVANGiLE 

ov 

SERMON 

VR  LA  DEVXIEME  EPISTRE 
.^   savrtct  PAVLavx  GoriixlWs 

•  vnorul  au  ^y^ocU  affanMU  .i  Gctiavc 
civ  m.Mh  d'octobre:  iCfZ  ^  ^        ' 

l^ar  RAYMOND  GACHES  ,  P^sUur  crt 

seconda  eoLùLvcrt  reveve  ci  ccrnoet 
^^  ^ 

A  CASTREE,      ^ 

[oar  L0VY6    VeNDOSMK.tui  5acriîue 


A    MONSIEVR 

MO  N  s  I  E  V  R 

LE  MARQVIS 

D  E 

M  AL  A  V  S  E- 


ONSJEFR» 


■-  ^ien  qu'après  les  grandes obli- 

*lttions que  te  ^ous  ayi&  après l'àt' 

iaehementpartimlierqm  nous  ^a^Si 

toufiours  eu  moy  fV  '^  ^fiiens  pour, 

--'loftre  illt4(îre  Maifony  it  ne  puijj'e 

\ny  rien  faire  ny  rienjuuoir  qui  ne 

\  (dit  ahfolumeUt à  vom^L'  Sermon 

jaueie  vous  frefente,  voHsVp^artyep 


E  p  I  s  T  R  é; 

far  ^n  dmÛ particulier  :  Car  cefi  i) 
dans  'VOS  belles  folitudes  de  la  Café    ^ 
que  ie  le  meditaj^  il  y  a  tantojl  deux 
ans  y  auant  Ojue  de  le  prononcer  a  la 
face  du  Synode.  Cefi  la  que  défen- 
dant de  ce  haut  degré  de  grandeur 
Ou  wflre  naijjance  ^ous  a  ejleue\ê  \ 
njous  rn  aueTJouuent  fait  ^afer  das  i 
l'honneur  de  ^ojire  conuerfatton  les^ 
plus  doux  moments  de  ma  me.  Il    | 
mefemble,MONSIEFR,qut  M 
tairnapoint  ailleurs  tant  de  pure-^. 
té,  que  les  prairies  not point  ailleurs 
lot  me fme  <vèrdure^&  qu  ailleurs  les^ 
fontaines  n  ont  point  de  fi  belles  eaus 
&  neformetpasde  canausjî  agréa-, 
blés.  Adais  quels  ornemens  vofi^i 
pre/ènce  najoude-elle  pas  a  toutei 
ces  diprenpi..  haute\l^Auec  quel% 
h  magnificence  &  auec quelle bonté}[\\ 
tout  enfemblejreceuel^r^ous  lesnJ^ 
Cites  de  toutes  fortes  de  PerfbnnesV 
"--r     Ile  douceur,}^  auecauel 


E  P  I  s  T  R  E. 
le  tranquilltté  y  faites-n;ous  ^iure 

ceux  qm  habitent  dans  la  grande 
ejtenàué  de  "vos  terres.  En  ^erite\ 
MO  N  S I EVR,  quoj  que  le 
JSlomde  Bot4rbon  que  vous  ^orteT^ 
foit  le  vlus  illu/îre  nom  de  la  terre  p 
foje  dire  que  "vous  enfou^eneT^  di- 
gnement la  gloire ,  &  que  le  Sang 
de  ces  grads  Monarques,  dont  "vous 
aueTJ;^ honneur  de  tirer  vo/îre  origi-^ 
ne^éclatte  Avne  façon  augufie  Jur 
vo/lre  vifagey  comme  leurmagnani-^ 
v^itédanstoutes'VQS  aidions.  Aiais, 
Mo  NSIEFRyje  mets  infini- 
ment au  dejfus  de  tout  le  reÇe^  cette 
confiance  inébranlable  en  la  profefi 
fion  de  la  Write,  que /vous  aueXj.efii 
moignée  en  des  occafios^on  njne  ame 
moins  ferme  qoie  la  ^vofire  eufifan^ 
àofAîefuccombé.  En  ce  teçs  corrtmj 
f  H  dans  des  efpreuues  dangereufes, 
fay  veu  vofire  %de,  je  lay  admiré. 
Et  comme  ^ous  m'auejjfait  ïhon- 


E  P  I  s  T  R  E.  A 

neur  de  me  defcouurirfouuetlefond 
de  vo/lre  ame ,  je  n'y  ay  jamais  re-      \ 
marqué  aucune  de  cesfotblejfes^  mi      i 
font  tomber  les  hommes  dans  lespie^ 
gès  que  le  mode  nous  dreffevour  nous      ' 
perdre.  Dieu  qui  ^ous  a  foujienu    ^i 
jufques  a  cette  heure  y  &  qut'vous  a      | 
fait  fouuent  efprouuer fa  protection      \ 
particulière  y  vu'éille  "vous  faire/en-^     ] 
tir  de  plus  en  plus  la  lumière  &  U 
ruertu  de/on  Efprity  &  'vousaccom^ 
pagner  de  toutes  fes  bene dirions ^& 
de  celles  qui  regardent  cette  me ,  ^ 
Ae  celles  qui  regardet  la  "vie  à  venin 
ïe  luy  demande  aufsi  de  tout  mon 
^œur^  quil  mefafe  rencontrer  les  oc-^ 
^afions  de  ijous  tefmoignerauecquel 
rejfentiment ,  auec  quel  refpeU  & 
quelle  ardeur  je  fuis, 

HêNSIEVR, 

\  Voftre  tres-humble,  trcs-obeïflan't 

)  &  tres-obligé  fcruitcur,  1 

R.   GACHES. 


SERMON 

SVR  CES  PAROLES  DE 

la  II.  Epiftredc  Saind  Paul  aux 

Corinthiens  ch.  x.  verf.  14. 

Or  grâces  à  Dieu  qui  nous  fait  toufiours  triom^ 
fher  en  Chrijl  ;  ér  qui  manifejfe  far  nous  lo- 
ueur de  fi  connotjfance  en  tous  lieux, 

MES  Frères  bien-aymcz  en  noftrc 
Seîgneuricfus-Chrilt. 
Ce  diuin  Sauueur  fc  prelentc  à  nous  dâs 
rEuangilefous  deux  vifages  diffcrens^d'vn 
codé  (on  aneantiffemenc   nous    eftonne, 
nous  ne  trouuons  en  luy,  ny  apparence ,  ny 
beauté;,  ny  rien  qui  fafl'e  que  nous  le  defi- 
rions  -,  il  eft  le  méprifé  des  hommes^  vn  ho- 
me de  langueur,  &  f^achanr  que  c'eft  de 
douleur,  vn  ver  &  non  pas  vn  hommerMais 
quandapres  cela  nous  confiderons  linno- 
ccnccdefavie,  Téclat  de  Tes  vertus  J'effica- 
ce  de  Tes  difcours  ^^  }a  gloire  de  les  mira- 
cles ;  il  nous  pan>"i  V;    '  oarfait  en  beauté 
que  tous  les  caf*.hi  ûcs  hommes ,  fes  joues 


2  Le  Triomphe 

font  vn  parterre  de  cho/ès  de  bonne 
odeur,  les  Icvres  font  comme  Jcs  Jis, 
elles  diftillcnt  la  mirrhe,  &  noftre 
cœurfepafme  de  fon  amour.  Noftre 
admiration  s'augmente  encore  lors 
que  nous  penfons  à  la  merucille  de 
fa  Refurreclion  d'entre  les  morts  -,  au 
triomphe  de  fon  Afccnfion  au  Ciel, 
&  cnRn  à  la  pompe,  à  l'cftenduë,  & 
à  ia  Majefté  de  TÈmpirc  qu'il  y  polFc- 
de.  C*eft  Jaque  nous  voyons  éclat- 
ter  la  joye  dâs  Ces  yeux;  c'eft  la  qu]vne 
couronne  de  gloire  brille  fur  fa  tcfte  j 
c'çft:là  que  Tare  en  ciel  auec  fesplus 
viues  couleurs  s'eftend  autour  de  fon 
trône  :  &  comme  il  eft  luy  mefme 
plus  lumineux  que  le  Soleil,  c'eft  là 
que  fa  ptefenceebloiiitles  Anges,  & 
remplit  le  Ciel  de  clarté. 

Les  MinilbesdeTEuangile  portée 

l'image  du  maiftre  qu'ils  ièruent,  & 

du  Rédempteur  dont  ils  difpenfenc 

Çqj  y^  les  fecrcts.  D'vn  coftc  ils  font  k  ha^ 

'Heure  dtt  monde ^  é'  Ufécletàre  de  tout  : 

yilsfont  mis  enfpeifacle  au  monde  ^  aux 

'\  Anges  à"  àux  hommes.  Ils  marchent 

après lefus-Chiift  ,0c  font  piquez  de 

fes  efpincSjils  g^/niiTent  au  pied  de  fa 

Croix ,  &  fouuenc  dans  ies  ora,«?c$ 


/ 


DE    L*  Evangile.  j* 

dont  l'Eglifeed  agitée, ou  ils  font  renfer- 
mez dans  des  priions,  6c  accablez  du  poids 
de  leurs  chaifnesj  ou  ils  errent  dans  les  de- 
ferts,  &  cherchent  l'obfcuncé  des  ancres 
poursycacher  ala  violence  de  ceuxquiles 
perfecutent  :  Mais  voyez  combien  à  inefmc 
tempsleurcondicionell  d'ailleurs  biê-heu* 
rcufc&  digne  d  enuie.  Si  les  hommes  les 
outragent.  Dieu  les  protège, s'ils  ont  à  cô- 
barre  contre  le  monde,  ils  font  affeurez  d'ê 
triompher  auecChrift,  &  la  mort  mefme 
leur  edfauorable, parce  qu'elle  leur  eft  la 
porte  du  Paradis.Ils  font  les  amis  de  l'Epoux 
celefte,  &  les  Miniftres  du  Dieu  viuanc  i  ils 
font  le  fel  de  la  terre,  &  la  lumière  du  mon- 
de :  ils  font  les  Hérauts  de  juftice,  les  Am- 
bafladeursdeChrift,  &  les  Anges  de  TE- 
glife. 

Nousauonsdeffcin  de  vous  repreftnter 
aujourd'huy  ces  précieux  aduantages  des 
Miniftres  du  Seigneur  lefus  ,  fous  le  boa 
plaifirde  Dieuauec  Taffiftance  de  fon  Ef- 
prit  i  honorez  de  voftre  attention  Se  de  vo^ 
lire  patience.  L'ry/;erience  vous  fait  affez 
voir  leurs  affligions,  &C':ous  voulons  que 
voftre  foy  contemple  a^^jourd'huy  leurgloi- 
rc  ;  Vous  eftes  rr'i\^oins  àc  icazs  combats, 
&nousvous^s.v.  ons  leurs  couronnes 

vous  f^aucz  ce»  *i«'V*   <  :  Jurent,  &  nous 


4  LeTriomphf 

voljsmonftrerons  ce  qui  les  fouftient.  Ce 
qui  les  confole ,  &  ce  qui  les  rend  heureux. 
Ils  vous  paroiilcnt  abbatus,  Se  nous  vous 
lesferonsouyrparlans  de  leursconqueftes, 
&  de  leurs  rriomphes  •  Grâces  à  Dieu  qui 
nous  fait  toujiours  triompher  en  Chriji:  cr  qt*i 
înmifcjleparnous  l  odeur  de  fa  connoifjance  en 
tous  lieux, 

Sainâ  Paul  partageoic  fes  foins  à  vn  nom- 
bre inHnyd'Eglifes  ,  ou  qui!  plantoir  luy- 
nielmCjOU  qullarroufoit  après  que  lesau- 
tres  feruiceurs  du  Seigneur  lefus  lesauoient 
plantées.  Il  auoit  en  particulier  prefché 
i'Euangile  dans  Corinthe  qui  auoit  autre- 
fois elle  la  lumière  de  la  Grèce  ^  &  vue  dcs^ 
plus  riches  villes  du  monde  j  11  eilvray  que 
les  Romains  rauoientdefolée  fous  la  con- 
duite de  Lucius  Mummius  pour  veger  l'ou- 
trage que  leurs  Ambaiïadeurs  en  auoient 
receu:  mais  Iules  Cefar  lauoit  glorieufc- 
mentreleuce  de  fes  ruynes  -,  &  comme  elle 
cftoitle  fejourd'vne  infinité  de  perfoniics^ 
Pieus*y  eftoitreferuc  vn  grand  peuple,ainfi 
qu'il  le  reuela  aSainâ:  Paul  au  18.  du  Liure 
des  adles  ,  ou  nc>ts  apprenons  que  noftrc 
Apoftre  fut  oblige  d'y  arrefter  pendant  dix- 
huid  mois.  Et  TApollre  ^uoitdefirc  d'y  re- 
tourner encore  vne  fcik,/,'^;^-;  comme  il  en 
parle  luy-mefms    aulchap^tre  precedentj 


D  I        l'  E  V  A  N  C  I  L  E.  '^ 

tjutls  eujfcnt  vne  faonde  g^ace^  que  comme 
par  fa  première  venue  iis  auoiencefté  con- 
licrtis  au  Seigneur,  ils  fufTenc  par  la  Seconde 
confolez,  inftruits  &  fortifiez  en  Ja  foy  ; 
Mais  laprouidence  diuine  i'awoic  conduit 
ailleurs,  elle  luyauoic  ouuerc  vne  grande 
porte  dans  Troas,  elle  lauoic  après  cela 
adrefle  dans  la  Macédoine  ,  ou  il  fai/bic  de 
nouucllesconqueftes  auSeigneurdans  les 
villes  de  Philippes,  d'Amphipolis,  d7\pol- 
lonie^deTheilalonique,  deBcréc.  Ce  qui 
Tobligeoic  maintenant  d  remercier  Dieu 
d'vnfi  beau  fuccez  ;  Or  grâces  à  Dieu ,  dit-il,  *^ 
qui  nous  fait  toujours  triompher  en  Chrtfl  ^  ^ 
qui  mamfejie  far  nous  l'odeur  de  fa  connoiffanct 
en  tous  lieux. 

Vous  voyez  dans  ce  Temple  ,  ô  Fidelles 
plufieurs  Miniftrcs  delTuangile^qui  y  fonc 
accourus  de  tous  les  endroits  de  cette  Pro- 
«ince  i&:  bien  qu'ils  n'ayent  ny  l'efciatdes 
Séraphins  ;,  ny  la  iMajeftédes  Koys,  nyle 
fafte  mefme  des  Cardinaux  &  des  Eucfques 
de  Rome.  Bien  que  les  richcflTes  de  la  terre 
ne  foient  pas  tombées  en  leur  partage,  & 
que  dans  l'apparence  ils  n'ayent  rien,  ny 
d'extraordinaire,  nj  de  grand,  venez  appren- 
dre à  les  cor''d^  .;  ^outtaViw,  romme  ceux 
qui  triomphent  CUi^^  cdt^&'qui  rcpandcc 
par  tout  1  odeur  de  la  côaoï/Tance  de  Dieuj 

B  2 


6  LeTriomphe 

Et  vous,  mes  trcs-honorcz  Frères^  vous  cf- 
couterez  vn  Saint  Apoflre  qui  parle  magni- 
fiquement de  l'excellence  de  vollre  charge, 
&  qui  vous  aduertit  de  rappoitera  lata- 
ueut  &  a  la  benedidion  de  Dieu  îk  tout  le 
fruict  de  voftre  Miniftere,  &  tous  les  aduan- 
tagesdontvous  efteshonorez.  Et  lepeuple 
donc  &  les  pafteurs  pourront  égallemenc 
recueillir  des  levons  importantes  de  ces  di- 
uines  paroles,  pourueu  que  le  Seigneur  le- 
fus,  de  qui  nous  implorons  rafliftance,  nous 
donne  de  vous  les  expliquer  heureufementi 
&  pourueu  qu'à  mefure  que  nous  les  ferons 
retentira  vos  oreilles,  le  Saindl  Efprit  dai- 
gne les  imprimer  dans  vos  coeurs*  Pour 
vous  en  donnervne  plus  facile  intelligence, 
nous  auons  cru   qu'il  falloit  auant  toutes 
chofes  confiderer  ce  triomphe  des  Prédica- 
teurs de  l'Euangile,  qui  confifte  en  ce  qu'ils 
manitedent  en  tous  lieux  l^odeur  de  la  con- 
noifiance  de  Dieu,  &  nous  monterons  après 
cela  dans  la  féconde  partie  de  cette  aâion, 
iufques  à  ce  grand  Dieu  à  qui  nous  deuons 
rendre  grâces  de  ces  beaux  fuccez, puis  que 
c  eft  luy  qui  nous  fait  triompher  en  Chnft, 
Si  quelque  rayon  de  joye  a  iamais  flatté 
ces  Anges  Apoftats  qui^font  defcheus  du 
b^^n-heur  de  leur  prem,\:érc  origine,  fi  l'en- 
liie  qu'ils  nous  portent  a  iamais  eu  fujet 


D  Ç       l'  E  V  A  N  G  I    L  E,  7 

d'eftre  fatisfaicc  ,  s'ils  ont  iamais  conccu 
quelque  attente  de  perdre  tout  le  genre 
humain,  c'a  efté  fans  doute  lors  que  le  Sei- 
gneur lefus  a  efté  efleuc  fur  la  Croix ,  & 
qu'ils  ont  cru  que  celuy  qui  nous  venoit 
fauuer,  ne  pouuoit pas  fe  fauuer  foy-mefme: 
en  donnant  la  mort  au  Mcflie  -,  ils  penfoient 
faire  auorter  les  defïeins  qu'il  auoit  faits 
pour  noftre  falut,  &:  en  luy  fermant  la  bou- 
che ,  il  leurfembloit  que  fes  diuins  enfei- 
gnemens  ne  conuertiroient  plus  les  hoai- 
iTies,  &  neferoientplus  des  Croyans.Mais 
admirons,  ô  Fidèles,  la  fapience  de  Dieu  v 
Satan  croyoit  eftre  le  vainqueur  du  Sei- 
gneurlefus  crucifié,  &  le  Seigneur  Icfus 
crucifié  mena  publiquement  en  montre ,  les 
principautez  hc  les  puiflances  des  Enfers 
triomphant  d'elles  fur  la  Croix  ;  il  auoit  fer- 
mé la  bouche  au  Seigneur  lefus  ;  Et  voila 
des  langues  de  flamme  que  le  Seigneur  le- 
fus fait  de/cendre  du  Ciel,  pour  faire  enten- 
dre fa  voix  par  toute  la  terre.   Enfin ,  il 
croyoit  qu'en  infpirant  aux  luifs  qui  auoiêt 
feuls  le  priuilegedc  connoiftrc  Dieu,  va 
efprit  de  rébellion,  de  fureur  &  d'iniuftice. 
il  furnionteroiti*F^)jfe,  &:  renucrferoit  par 
terre  le  Temr>  d;i  Dieu  viuant.  Et  voila 
par  vn  chan^t^r^vAu  admirable  qu'au  lieu 
d'vne  poignée  des  luifs,  la  foule  des  Gentils 


9  LeTrionîphe 

enrrc  dans  l'Eglife,  &  ce  petit  filet  d'eau  de 
la  grâce  quicouloic  dans  la  Paleftine ,  dé- 
nient vn  Océan  qui  inonde  toute  la  terre. 
C  races  à  Dieu  qui  nous  fait  toufiours  triompher 
en  Chrijl  :  ^  qui  manifejle  par  nous  en  tous 
lieux  l  odeur  de  fa  connoiffance. 

Soit  que  vous  confideriez  les  Ap<2>ftres, 
fcitque  vous  jcttiez  fur  tous  les  Miniftres 
du^Seigneur  lefus^  ces  paroles  feront  tou- 
jours d'vne  éternelle  vérité.  L'eftabliflemct 
de  l'Empire  de  Chrift  a  efté  fans  doute  le 
plus  beau  deflein  qui  ait  iamais  peu  tomber 
dans  l'imagination  de  Thommc,  &  le  plus 
grand  &  le  plus  difficille  ouuragc,  que  des 
mortels  &  des  pécheurs,  ayentofc iamais 
entreprendre.  Il  falloir  abolir  des  couftu- 
mes  ertablies  depuis  plufieurs  fiecles ,  brifer 
lesimages,  démolir  les  Autels,  Screnuerfer 
les  Temples  qu'on  auoit  confacrez  aux  Dé- 
mons, changer  la  face  de  la  terre,  &  planter 
la  Croix  de  lefus-Chrift  fur  les  Trofnes  des 
Monarques.  Douze  Apoftrcs  dont  la  con- 
dition cftoit  au  deffous  de  la  médiocre ,  en- 
treprennent d'exécuter  vn  fi  mcrueilleux 
projet,  ils  partent  du  centre  de  la  ludéc ,  & 
nontpasvne  moindre efperance que  deco- 
querir  toute  la  terre  à  lefus-Chrift  '-  fans 
amis,  fans  threfors,  fans  armes,  fans  pompe, 
fans  crédit ,  fans  cfdac  &  fans  artifice  ils 


DE      l'EvANGIIB.  9 

attaquent  les  fubtilitez  des  Philofophcs,  la 
fureur  des  penples5&  la  puiflâcedu  monde: 
&  aiiec  le  fccours  du  Cieh  la  lumière  de 
1  Euangile  &  l'efficace  du  Saint  Efprit,  à 
trauers  le  tranchant  des  e/pées,  Tardeur  des 
flammes ;,  6c'  la  cruauté  des  maffacres,  ils 
annoncent  la  grâce,  ils  gagnent  des  coeurs, 
ils  triomphent  en  Chrill,  6c  dans  lerulàleni 
&  dâs  R  orne,  &  parmy  les  luits  &c  parmy  les 
Gentils ,  &  portent  le  Sceptre  de  la  force 
du  xMeflîe  iufqu'aux  dernières  extremitez  dô 
la  terre.  Aucc  le  flambeau  de  la  vérité  ils 
font  euanoiiir  comme  autant  de  vains  fan- 
tofmesces  fauflfes  diuinitcz  qui  fefaifoient 
adorer  pendant  les  ténèbres  du  Paganifme. 
Les  liens  de  la  fuperftitionXont  rompus, 
les  charmes  du  monde  font  foulez  aux  pieds 
lesperfecutions  des  tyrans  font  vaines,  les 
erreurs  des  hoaimes  font  defcouuertes;,  &: 
la  rage  des  Enfers  combat  inutillement  U 
verite^puis  que  la  vérité  en  demeure  viéto- 
rieufe. 

Qtiand  je  m'imagine  qu*vn  Apodre^,  c'eft 
à  dire,  vn  homme  mortel  &foible  comme 
nousj  entre  fans  aucune  fuitte  dans  Athènes 
ou  dans  Rome,  &  qu'il  entreprend  d  y  cho- 
quer, non  pasfl'^frrArecpage  ou  leur  Sénat, 
leurs  Confuh^ciu  leurs  Empereurs,  mais 
leurs  propres  Djeux>  ceux  a  qui  ce  Sénat , 


iO  L  E    T  R  I  0  M  P  H  1 

cet  AreopagCjCes  Empereurs  &:  ces  Confuls 
rendoient  leurs  adorations,  &  penfoict  cftrc 
obligez  de  leur  grandeur  &  de  leur  vie. 
Quand  ic  m'imagine  que  pour  combattre 
Ces  DicuXj  cet  Apoftrc  n  a  point  de  faneurs, 
ny  de  richcfles,  ny  de  force,  qu'il  defdaigne 
mefmc  d'employer  les  attraits  de  l'éloquen- 
ce mondaine,  bien  qu'il  n'ait  autres  armes 
que  la  parole.  Quand  ie  confiderc  auec 
quelle  ardeur  les  Démons  fe  préparent  i 
luy  refifter,  &  quels  defleins  de  rigueur  & 
de  violenccjils  imfpirent  à  leurs  fuppofts, 
ie  ne  puis  m'empefcher  de  dire,  que  fera 
cette  brebis  au  milieu  de  tant  de  loups.  Ec 
quand  ie  voy  que  les  Philofophes  luy  op- 
pofcnt  inutillcment  les  difcours  de  leur 
raifon^Ies  Orateurs  les  charmes  de  leur  élo- 
quence, les  fupcrftitieux  l'authoritc  de  leurs 
couftumes  ,  les  Magiftrats  la  feuerité  de 
leurs  Edidls,  les  peuples  Thorreur  de  leurs 
feditions,  &:  Satan  les  plus  violens  effets  de 
fa  rage,  que  malgré  ces  obftacles  il  triom- 
phe des  cœurs  endurcis,il  fait  des  fidèles, 
il  fonde  vne  Eglife,  ie  m'efcrie  auec  admira- 
tion. La  dextre  de  l'Eternel  ejl  haut  éleuée  ^  U, 
Jextre  de  l*  Eternel  a  fait  vertu.  Mats  toy  qui} 
âjfadloisles  Nations^  Ejloile  du  matin,  commet 
tS'tu  tombée  df§>  Ciel,  tudtfoupe  monter ay  par 
dejfus  la  hauteur  des  nuée  s ^  ie  Jerày  femhlahle  ais^ 

SûHuerain^ 


Di     L*  Evangile.  H 

Soféuerai/fy  à"  voUi  tu  es  tirée  mfquen  Enfef 
AUX  cojicz  de  la  fojje, 

Auez  VOU6  lainais  veu  vne  étincelle  allu- 
mer faas  peiuc  vne  poignée  de  paiiiejCeccc 
paille  porcccaupicd  dcsgenecsou  desfou- 
geres  les  mettre  en  feu,  ^  cette  flamme  en- 
fin fauter  dans  la  torcll  voiiîne  ,  l'embrafer 
en  peu  de  moments ,  &  par  le  grand  clclac 
quelle  jette,  taire  comme  vn  nouueauiour 
dansl  obfcurité  de  la  niiid  ?  Voila  limage 
de  la  vidoire  des  Apoftres  ,  leurs  difcours 
font  des  traits  de  feu,  qui  pénètrent  foudaia 
dans  vne  ame,6(:  qui  1  enflamment  de  zèle, 
c^ttt  ame  zélée  répand  (a  lumière  &  fa  cha- 
leur pour  efcFairer  &  pour  échauffer  d'au- 
tres âmes,  &  par  vn  fuccez  miraculeux  les 
hommes  en  foule  dans  les  villes,  les  villes 
mefme  &:  les  Prouinccs  entières  bruflent  de 
cette  ardeur  celefte,  5c  abandonnant  Tido- 
latrie  ferengentau  feruice  du  Dieu  viuant 
&vray,afio  qu'il  paroiffequcrEuangileeft 
la  vertu  de  Dieu,  <^:  la  puiflincede  Dieu  en 
faluta  tous  Croyans.  Grâces  donc  Cotent  ren* 
dti'es  a  Dieu ,  lequel  en  tout  temps  nous  fait 
triompher  en  Chrifl. 

le  fçay  bien  que  les  Apoftres  ont  cftc  les 
plus  pures, &:  les  plus  brillantes  lumières 
de  lÊglife,  que  leurs  noms  ont  efté  écrits 
fur  les  douze  fondemens  de  la  icrufalem  ce- 

C 


'^.  12  L  i      T  R  I  O  M  P  H  E 

celefte^  &  qu'ils  doiuent  eftre  afifis  fur 
douze  thrones  pour  juger  les  douze 
Matth.  lignées  d'Ifracl.  Us  ont  efté  des  fiam- 
*^*  '^'  beaux  dignement  efleuez  fur  le  chan- 
delier du  Temple  dé  Dieu  ,  qui  ref- 
pandans  leur  lumière  de  toutes  parts, 
ont  djlïipé  la  nuicl  du  Paganifmc  ,  &c 
les  brouillards  des  herefies.  Leur 
bouche  eftoit  vne  fource  d'eau  viue, 
vne  vaine  de  la  fontaine  éternelle ,  & 
la  terre  a  pris  plaifirà  s'enyvrer  de  l'a- 
bondance de  leurs  eaux.  le  fçay  bien 
que  ceux  qui  vous  annoncent  TEuan- 
gile  ne  font  pas  Apoftres,  &  it  con- 
teffe  que  lors  que  vous  deftournerez 
vos  regards  de  ces  Eftoiles  de  la  pre- 
mière grandeur  ,  la  lueur  des  moin- 
dres AlUes  n'eft  que  pure  obfcurué. 
Neantmoins  les  paroles  de  noftre 
Texte  peuucnt  fans  qu'on  leur  faffe 
violence  eftre  appliquées  générale- 
ment a  tous  les  Miniftresde  la  grâce, 
pource  que  fi  les  Apoftres  ont  eu  va 
employ  <S:  des  grâces  extraordmaircs, 
en  quoy  nous  ne  leur  fuccedons  pas, 
nous  leur  fuccedons  pourtant  par  la 
mifcricorde  infinie  du  Père  celefte, 
en  rœuure  du  minillere^^  en  la  dif- 
penfation  des  fecrets  de  Dieu.  Si  vos 


DE       l/  E  V    A  K  G  I  L  1.  IJ 

Pafteurs  n'ont  pas  rcccu  les  mcfiiics  dons, 
ils  vous  prefcntent  neantmoins  le  mefme 
falut,  &fi  ces  vaifleaux  ne  font  pas  dvne 
matière auiripreticuièjvous y  rronuez  neât- 
moins  les  nielmes  threforsqui  peuuent  en- 
richir vos  âmes.  Le  Seigneur  Icius  eft  tou- 
jours la  matière  de  leurs  Prédications ,  la 
faindeté  efttoufiours  le  chemin  qu'il  vous 
apprcnent^^  le  Ciel  eft  toufiours  le  but  au- 
quel ils  vous  veulct  amencr.S'ils  negucriflTéc 
pas  miraculeufemctles  malades  de  mefme 
.que  les  Apoftres,  neâtmoms  de  mefme  que 
les  ApoftresilsconuertilTenc  les  pécheurs; 
S'ils  ne  donnent  pas  la  veuc  aux  aucogles, 
ils  éclairent  l'inteiligcnce  des  errans  j  S'ils 
ne  rcflufcitent  pas  les  morts,  ils  releuent  les 
hommes  du  tombeau  du  \icc  :  &  s'ils  ne 
chaffent  pas  les  démons  des  corps  qui  eu 
font  pofledez,  ils  renucrfent  le  throne  de 
Satan,  &:  cfleuentceluy  du  Seigneur  lefus 
-dans  la  confcicnce  des  hommes.  Encore 
que  Dieu  repâde  fouucnt  du  fcin  des  nuces 
ces  eaux  precieufes  qui  font  la  fertilité  de 
nos  champs,  neantmoins  il  remplit  ordi- 
nairement nos  fontaines  par  des  canaux  (è- 
crets  quenousaiions  bien  de  la  peine  à  dé- 
couurir  ;  Mais  foit  que  les  eaux  tombent 
fcnfiblementdc  lair,  foit  qu'elles  fcmblenc 
naiftre  de  la  terre,  elles  découlent  toutes 

C2 


14  Li    Triomphe 

cgaicmcnt  de  la  mer,  elles  font  toutes  éga- 
lement condultespar  la  prouidence  Diume. 
>Jous  pouttôs  dire  la  mefme  chofe  des  eaux 
de  la  grâce-,  elles  ont  efté  verfées  extraor- 
dinaircmcntdu  Ciel  ^d'vne  fa^on  plosau- 
gufte  &  plus  admirable  fur  les  Apoftres, 
elles  font  communiquées  aujourd'huy  aux 
MiniftresdeCiirift  ,parde  fecrets  canaux 
aucc moins  d'éclatj&auec  moins  d^'abon- 
dance  .-mais  elles  defcendent  toufiours  de 
la  mefme  fource  de  la  Grâce,  &  elles  font 
toufiours  adreflfées  à  l*edificatiô  des  Croyâs, 
A  la  louange  donc  de  la  mifericorde  qui  ^ 
nous  a  efté  faite,  nous  dirons  auec  S.  Paul,  î 
Grâces  fuient  rendues  a  Bien  qui  nous  fan 
toufiours  triompher  en  Chrijl^ér  qui  manijefe 
auilî  far  nous  L'odeur  de  fa  connotjfAnce  en  tous 
lieux. 

Ouy,Mes  Frères,  le  monde  rcnouuclle 
toufiours  fts  combats  contre  TEglife,  &  le$ 
artifîcesde  Satan  ne  font  pas  encore  épui-» 
fez;  D  vncofté  ne  voyons  nous  pas  scle- 
uer  du  fond  des  abyfmes  vne  vapeur  noire 
qui  obfcurcit l'intelligence  des  hommes,  &: 
qui  ks  fait  perdre  dans  les  précipices  de 
Terreur  ?  De  nouueaux  Arriens  viennent 
blafphemer  contre  la  diuinité  du  Fils  de  < 
Dieu,  6c  font  tous  leurs  efforts  pour  le  faire 
defcendreabfolument  au  nombre  des  créa- 


DE       l'  E  V  A  N  Gl  L  B.  IJ 

turcs.  De  nouucaux  Pelagicns  vicnncnc 
cilcucr  l'idole  de  leur  propre  juftice  ,oppo«^ 
(cr  la  nature  a  la  grâce,  fouftenir  les  forces 
du  Franc-Arbitre  &  faire  dépendre  les  Dé- 
crets de  Dieu  de  la  détermination  de  Ihona- 
nie  ;  Et  que    diray-jc  de  tout  ce  grand 
corps  de  fuperftitions  &  d'erreurs  qu'on 
a   formé  dans    la    nuid  de  l'ignorance  , 
&  qu'on  prefente  aujourd'huy  auec  tanc 
d'éclat  5   6c  auec  tant  d'artifice  j  Mais  ce 
neil   pas   tout  encore  >   lors  qu'auec  la 
clarté  de  la  parole  de  Dieu  nous  auons 
diflipé  ces  fantofmesj  Ôc  illumine  ces  ténè- 
bres, le  monftre  du  vice  ne  nous  prefente- 
il  pas  vn  nouueau  fujct  d'exercer  nos  for- 
ces, Et  ne  nous  oblige  il  pas  à  entreprendre 
vn  nouueau  combat?  Il  faut  fer  mer  la  bou- 
che aux  blafphemateurs^efteindreles  flam- 
mes impures  des  luxurieux,  inspirer  la  cha- 
rité aux  auares^arrefter  la  fureur  des  vindi- 
catifs, animer  lecœurdeslafchcs,  efclairer 
l'aueuglement  des  ambitieux,  &renuerfer 
les  fortercffes  que  le  péché  eileue  dans  les 
cœurs  des  hommes  à  l'cncontrc  de  T)ieu. 
Et  dans  tous  ces  combats ,  grâces  à  Dieu 
qui  nous  fouftient,&  qui  accompagne  no- 
ftre  prédication  de  la  vertu  de  fon  Efprir, 
nous  fommes  vainqueurs  &  nous  triom- 
phons en  Chrift,  foii  pour  la  confufion  de 


t6  Le    Triomphé 

ceux  qui  perifTent,  foit  pour  la  confo* 
lacion  &  pour  la  joyc  de  ceux  qui 
font  fauuez.  Car  Dieu  4. parlé  par  fa 
fain^etéé*  nous  triomphons  :  Nous  par- 
tagcêns  Sïchem,  nous  mefurons  la  vallée 
l^r.ioS.  deSuccoty  Galaad  tfimftre^  Manaffé  eft 
nofire^  &  Ephaïm  ejl  la  force  de  noftre 
chef 

Maïs  helas  !  comment  triomphoit 
Saint  Paul3&  comment  triomphent 
au  jourd'huy  les  Miniftres  de  la  Grâce? 
Ce  terme  n'eft-ilpas  trop  beau  ?  Et 
leur  condition  mefprifable  s'accorde 
elle  bien  auec  la  pompe  &  la  gloire 
des  triomplians  î  Quoy  ,  celuy  de  qui 
les  bourreaux  déchirent  trois  fois  les 
c/paules  à  coups  de  verges,  celuy 
qui  demeure  prefque  accablé  fous  vne 
grefle  de  cailloux,  celuy  |qui  eft  par 
tout  dans  le  péril  fur  la  mer ,  fur  la 
terre,  dans  les  villes,  dans  les  defcrts, 
&parmy  les  faux  frères  &  parmy  les 
brigands.  Peut-il  après  cela  parler 
de  fes  vidoires  &  de  fes  triomphes. 
O  que  les  vidoircsSc  les  triomphes 
des  mondains  font  differcns  de  nos 
triomphes  &  de  nos  viâoircs  !  Ils 
triomphent  de  la  mort  de  leurs  cnne- 
roisi3c  dç  I4  defoUtion  des  Villes  5c . 


©  E       L*  E  V  A  N  G  1  L  i.  17 

des  Prouinces  qu'ils  onc  m^fes  fous  leur 
joug  par  la  force  de  leurs  arines^  &  nous 
triomphôs  au  milieu  des  peines  de  la  morr^ 
lors  que  nous  fauuons  nos  perfccuieurs, & 
que  nous  retirôs  de  l'abyfaie  les  bourreaux 
qui  nous  font  mourir.  Us  triomphent  des 
maux  qu'ils  ont  fait  endurer  aux  autres  ô£ 
nous  triomphons  des  maux  que  l'on  no^if, 
a  fait  endurer.  Ils  triomphent  pour  auoic 
fait  pluficurs  mifcrables,  afin  de  contenter 
leur  ambitiôjôi:  d'eftablir  leur  propre  gloire 
&  nous  triomphôs  pour  auoir  faitplufieurs 
bien-heureux  aux  defpens  de  nos  ibins^  de 
nos  labeurs  ôc  de  noîlre  vie. 

Encore  qu'on  aitnbuè  aux  Grecs  le  prc^ 
miervftge  du  triomphe,  &  qu'vn  de  leurs 
héros  après  la  conqueiledes  Indes,  ait  le 
premier  triomphé  defes  ennemis  vaincus, 
il  faut  neâtmoinsconfefler  que  les  Romains 
ont  célébré  leurs  triomphes  auec  plus  d'é* 
clat&  auec  plus  d  appareilla:  qu'on  n'a  rien 
veu  fur  la  terre  daullî  pompeux  ni  d'aufli 
fuperbe.  Et  comme  au  fiecle  de  Saint  Paul 
c'eftoit  feulement  dans  Rome  qu'on  voyoic 
de  pareilles  magnificences,  il  y  a  fans  doute 
voulu  faire  aliufion  dans  les  parolles  de 
noftre  texte.  Dieu  nous  fait  triompher  toufiours 
en  chrift,  Parmy  les  Romains  on  n'accor- 
doit  l'honneur  du  triomphe  qu'a  cciuy  qti 


l8  L  E      T  R  I  O  M  F  H  E 

auoit  remporté  vne  vidoirc  confiderable^ 
ou  du  moinSjCinq  ou  fix  mille  ennemis  fuf- 
fcnt  demeurez  fur  la  place.  Le  triomphe 
des  Apoftres  Ôc  des  Minilires  de  Chrift 
prcfuppolc  vne  vidoirc  plus  glorieufc^ 
puifque  nous  n'auons  pas  la  lutte  centre  les 
£rtncipautez, ,  ér  les  Puijfances  i  mais  Auffi 
cêmtre  les  mslices  fi>irttueUcs  qui  font  aux  lieux 
celcjîes  ^  Se  qu*il  faut  que  Satan luy  mefmc 
fbjt  brifc  fous  nos  piedl  Celuy  qui  triom- 
phoit  eftoitordinairemétefleuéfurvn  char 
dyvojre  oùTor  brilloic  de  toutes  parts,  il 
portoic  fur  la  tefte  vne  couronne  de  laurier, 
ou  vne  couronne  d  or:  &:  les  Apoftres  ôc  les 
Miniftres  de  Chrift  font  mis  en  Ipeâacie  au 
inonde,mais  leur  char  ce  font^ou  leschaires 
rurlefquellesils  annoncent  la  grâce,  ou  les 
cfchafFaux  fur  lesquels  ils  fouft'rent  la  mort; 
&  leur  couronne  auflî  bien  que  celle  de  leut 
Sauueur  eft  toute  tiflue  d'efpines*  Celuy 
qui  triomphoitportoitvnerobbc  de  pour- 
pre, &  fon  char  eftoit  taché  dé  quelques 
gouttes  de  fang,  pour  marquer  que  le  côbat 
d'oii  il  reuenoit  vainqueur  auoit  efté  bien 
fanglant.'Leç  Apoftres  &  les  Miniftres  de 
Chrift  sot  rouges  du  fang  qui  coule  de  leurs 
propres  veines,  car  aurcfte  ils  n'efpandenc 
point  Icfang  de  ceux  qu'ils  vainquent,  au 
contraire  ils  u'agiffcnc  que  pour  Icurfalut, 

ils  ne 


D  H       L*  E  V  A  N  C  I  L  fi.  J9 

ils  ne  combattent  que  pour  leur  donner  la 
liberté. On auoit  accoullumé  de  porter de- 
uanc  celuy  qui  triomphoic  des  figures  de 
bois,  de  cire,  d'y uoire,  d'argent  &:  d'or,  qui 
reprefentoientics  régions,  les  montagnes, 
les  fleuueSj&  les  Villes  qu'ils  auoient  con- 
quifes,  &on  monftroitau  peuple  Romaia 
de  nouucaux  arbres,  &:  de  nouueaux  ani- 
maux qu'on  auoit  pris  dans  les  terres  qui 
venoient  d'eftrc  foubmifes  à   la  Republi- 
que: Les  Apoftres  &  les  Miniftres  de  Chrift 
defcouurent  aux  hommes  de  nouueaux  my- 
fteres,  ils  leur  monftrent  vn  arbre  miudic 
qui  porte  le  fruit  de  vie ,  &  les  cntretiennet 
des  merueilles  du  Paradis,  qui  eft  cet  empi- 
re de  gloire  que  le  Seigneur  lefus  nous  a 
acquis  au  prix  de  fon  (ang.  Enfin  parmy  la 
pompe  du  triomphe  on  voyoit  fouuentdcs 
gens  qni  difoient  des  ininres  a  celuy  qui 
triomphoic,   afin   qu'il    ne  fe  laiffaft  pas 
cbloijir  à  tant  de  gloire  ;  Icy  tout  au  con- 
traire parmy  la  foule  de  ceux  qui  difent  tics 
outrages  aux  feruiteurs  du  Seigneur  lefus. 
Dieu  mefle  des  âmes  pieufes  &  faindles  qui 
leur  donnent  des  benediâions,  Ârqui  célè- 
brent leurs  loiiangcs  :  mais  quelque  diffé- 
rence qui  fc  trouuc  entre  les  triomphes  des 
Romains,  &  les  triomphes  des  Aportrcs  Se 
dcsMiniftrcs  de  Chrirt,toufiours  y  rcmar- 

D 


1 

20  L  E    T  R  I  O  M  P  H  H  i 

qucz- VOUS  cette  conformité  -,  C'cft  que  Co- 
me  les  conquerans  malgré  mille  obftacles 
accomplifl'ent leurs  dcficms,  fatisfont  leur 
ambition  violante,  &:eftenclent  les  bornes     \ 
de  l'Empire  pour  lequel  ils  ont  combattu, 
6c  triomphent  d'vn  lî  beau  fuccez.  Ainfi 
maigre  mille  obftacles  nous  accompliflbns 
nosdefTeins,  nous  fatisfaifons  Tardcntc  ôc   *^) 
charitable  paffion  que  nous  auons  pour  le 
falut  de  nos  Frères,  nous  eftendons  les  bor- 
nes de  Tcmpirc  de  lefus-Chrift  :  &  quand 
vn  fifauorabic  euenement  couronne  enfin 
nos  trauaux^nous  en  triomphons  auecioyc 
en  Noftre  Seigneur  lefus-Chrift,  Encore    ■' 
queleferuiteurde  Dieufoitexpofé  au  mef-  *r^ 
pris  des  hommes,  &:  à  la  fureur  des  Demos: 
s'il  porte   neantmoins   dans  (c%  mains  le 
fceptre  de  la  fc>rce  de  Chrift,  fi  Dieu  le  cou- 
ronne de  fes  gratuitcz,  fi  fon ame  cft  brillâ- 
te  des  ornemens  de  la  vertu,  s'il  foule  à  fes 
pieds  les  vices  vaincus,  fi  fon  efperancc  3c 
lifoy  forment  comme  le  char  de  fontriom- 
phe  qui  lefleue  enfin  de  la  terre,  &  qui  le 
conduit  non  pas  an  Capitole  ,  mais  dans  le     i 
Ciel,  qui  eft  le  Temple  éternel  du  Dieu  des      - 
Dieux  i  ne  peut-il  pas  dire  auec  ioyc}  Gra- 
écs  à  Dieu  qui  me  fait  îcufi ours  triompher  c/f 
Chrijl, 
L  Ce  que  Sainct  Pnul  dit  que  Dieu  le  fait 


DE       l'EvaNGILB.  21 

coufîburs  triompher,  eft  bien  remarquable; 
car  il  femble  d'abord  que  la  puiiTance  de 
TEuangile  ne  fe  déployât  que  fur  les  Eflcus, 
©n  ne  peut  pas  dire  que  Jes  Fadeurs  qui 
annoncent  cette  Euanyile,  triomphent  des 
Infidèles  &  desmefchans.  Et  comme  ceux 
cy  font  en  plus  grand  nombre,  &  qu'il  y  a 
plufieurs  appeliez  5<rpeu  d'efleus^on  pour- 
roit  croire  que  SaimS  Paul  auoit  plus  de 
fujct  de  fc  plaindre  de  la  refiftancc  des  obfti» 
neZjqu'à  fe  glorifier  de  rûbeilfancc  des  Fi- 
dèles. Autrefois  lacob  fut  appelle  Ifraél, 
parce  qu'il  auoit  elle  le  Maiftre  luttant  auec 
Dieu, (i  qu'il  en  auoit  remporté  fa  benedi* 
iSion  :  iMais  ne  diriez-vous  pas  que  les  met 
Chans  veulent  cftreles  vainqueurs  en  com- 
battant auec  Dieu,  &  qu'ils  veulent  eiTayer 
qui  fe  laflcra  pluftoft  ou  le  Seigneur  de  leur 
bien-faire,  oucux  d'offenfer  le  Seigneur; 
Dieu  les  veut  vaincre  par  fes  faneurs,  5c  ils 
le  combattent  par  leur  ingratitude  :  Dieu 
lesappelle  par  les  riche/Tes  de  fa  patience, 
&  ilss'efloigncntde  Dieu  par  leur  impeni- 
tcnce  &  par  leur  iiifîdelité:  Et  enfin  par  vne 
malhcureufe  vidoirc  ils  rendent  inutilles 
Icsfemonces  que  Dieu  leur  adrefle.  Se  de- 
meurent fermes  dans  leur  naturelle  cor- 
ruption. Comment  donc  noftre  Apoftre 
peut-il  maintenant  dire,  qu'il  triomphe  tou- 
jours en  Chrift?  *  t>z 


32  Le    Triomphe 

C'eft^  Mes  FrereSj  que  foie  que  les  hom- 
mes fc  conueriiflent  par  la  picdication  de 
rEuangile,fpit  qu'ils  perfeuereiu  dans  leur 
incrédulité^  toujours  les  Miniftres  de  Chnft 
triomphent,  pource  qu'ils  amènent  les  vus 
à  ehrift,  &  les  rendent  fes  Difcjples,  & 
qu'ils  aflujettiffcnt  les  autres  à  vn  fupplicc 
etcrnelj&:  amènent  fureuxlacondamnatio 
q-ue  leur  obftination  mérite.  Ils  triomphent 
toufiours  ou  en  intuoduifant  dans  le  Para- 
dis vne troupe glorieufc  des  Fidelles  ,oucn 
ouurant  les  Enfers  aux  impenitcns.  Tantoft 
auecie  marteau  de  la  parole  de  Dieu  ils 
brifenr  les  cœurs  de  pierre  &  en  font  des 
cœurs  de  chair,  ou  la  loy  du  Seigneur  s'im- 
prune  fans  peine,  &  tantoft  lançant  la  fou- 
dre de  leurs anathemes fur  les  rebelles,  ils 
en  font  des  exemples  malheureux  de  la  co- 
lère du  Dieu  viuant.  Icy  ilsconfolentl  ame 
affligée  parles  promcffes  de  la  grâce, là  ils 
abbitent  les  fuperbes  par  les  menaces  de 
Ja  loy,  Se  comme  d'vn  cofté  des  efclaues  de 
Satan  ilsfontdes  Difciples  de  Chrift  des 
Enfans  de  Dieu  Se  des  héritiers  du  Ciel ,  de 
Tautre  ils  font  mordre  la  poudre  aux  or- 
gucilleux,&  apprenent  i  ceux  qui  fe  croyec 
cftre  les  maiflres  du  Monde ,  qu'ils  font  le 
butin  de  la  mort  &  la  proye  des  Enfers.  Ee 
coijimc  le  feu  ne  monlhe  pas  miçux  fa  force 


DE     l' Evangile.  ^3 

quand  il  éclaire  nos  yeux  par  fa  clarté  ou 
quand  il  purifie  Tor  par  fa  chaleur,  que  quâd 
par  cette  mcfme  lumière  il  fait  mal  a  des 
yeux  malades,  3c  que  quand  par  la  violen-* 
cedelamefme  Hamme ,  il  confumc  ôc  la 
paille  &Iesefpiries  :  Ainfi  les  Miniftrcsdc 
Chnft  fonctoufiours  efgalemct  vainqueurs 
&  toufiours  efgalement  triomphans,  &:  lors 
qu'ils  guerifrenc&  lors  quils  bleficnt,  & 
lors  qu'ils  viuifient&  lors  qu'Us  tuent ,  & 
lors  qu'ils  elleuent  les  Fidèles  dans  le  CicU 
&  lors  qu'ils  précipitent  les  incrédules  dâs 
les  aby  fmes,  &  lors  qu'ils  (ont  odeur  de  vie 
a  vie  a  ceux  qui  font  fauuez  ,  &c  lors  qu'ils 
font  odeur  de  mort  à  more  i  ceux  qui  pc- 
tiiTent.  Triomphez  toufiours  de  la  forte  ou 
en  difpcfan  tics  grâces  de  Dieu,  ou  en  f'iU 
minant  fcs  anathemes^  ô  bien-heureux  Mi- 
niftres  àuStigncut  Ufus.KeUuez'vos  mains 
qui  font  lafcfns ,  (^  vês  genoux  qui  font  def 
joints  :  Combattez  genereufement  contre 
Satan  &  contre  le  Monde.  Soyez  Fidèles 
iijfquesàlamort,  &:n'enuiez  pas  la  gloire 
des  conqucrans  j  \os  conqueftes  font  plus 
glorieufes  :  n'enuiez  pas  la  grandeur  des 
Kois^puifque  le  Seigneur  lefus  vous  promet 
de  vous  donner  la  couronne  de  vie. 

Mais  au  milieu  de  ces  combats  &  de  ces 
triomphes  /pirjruels>  fouucnons-nçtts  toû- 


24  LiTriomphe 

jours  que  ce  n  eft  ny  par  nos  propres  forces, 
ny  pournoftrc  propre  gloire,  que  nous  dc- 
uons  combattre,  &  que  nons  pouuons  de- 
meurer vainqueurs,  c'cft  en  Chrift  qut  nom 
triomfhos^  c'cft  à  dire,  en  la  vertu  de  Chnft, 
cnlacaufe  de  Chrift,  &  pour  la  gloire  de 
Chrift  ;  en  la  vertu  de  Chrift  qui  nous  for- 
tifie, en  la  caufe  de  Chrift  que  nous  foufte- 
nons,  &  pour  la  gloire  de  Chrift  qui  eft  IV- 
niquc  fruid  de  nos  peines.  Nous  triomphes 
en  Chrift,  parce  que  fi  nous  n'eftions  pas 
vnis  a  luy  nous  ne  f^jaurions  vaincre  :  Nous 
triomphons  en  Chrift,  parce  que  dans  nos 
vi(5loires  c'cft  fon  Euangile  feul  que  nous 
prcfchons,&  qui  eft  crû  au  Monde  -,  &  enfin 
nous  triomphons  en  Chrift  parce  que  c'cft  à 
Tanancement  de  fbn  règne  &  à  la  gloire  de 
fon  nom.  O  vous  qui  vous  appuyez  fur  la 
force  de  vos  propres  raifonnemcns ,  fur  la 
beauté  de  voftre  génie,  &  fur  les  grâces  de 
vos  difcours  ,  vous  ne  triompherez  pas  en 
Chrift,  pourcc  que  vous  attendez  voftre 
vidoircde  vous-mefme.  O  vous  qui  annô- 
cez  des  erreurs  au  lieu  de  publier  la  vérité, 
qui  prefentez  au  peuple  ou  les  traditions 
des  hommes,  ou  les  refuerics  de  voftre  ima- 
gination, vous  ne  triôpherez  pas  en  Chrift, 
pource  que  ce  n*eft  pas  pour  fa  vérité ,  mais 
pour  vos  opinions  que  vousaymez  à  corn- 


DE       l'  E  V  A  N  G  I  L  B.  X5 

bzttïCjSc  VOUS  qui  prcfchcz  Chriftparcmu- 
iâiion  de  par  enuie^qui cherchez  voiirepio- 
pre  gloire,  &  non  pas  la  gloire  de  Dieu, 
reftabliflement  d'vnc  belle  réputation  ,  & 
nonpasl'auancement  du  règne  de  Chrift, 
vous  ne  triompherez  pas  en  Chrift,  pourcc 
que  vous  ne  trauâillez  pas  pour  fa  gloire, 
&  que  vous  prétendez  recueillir  tout  le 
fruid  de  vos  labeurs.  Ceux-là  feulement 
qui  empruntent  toute  leur  force  de  rafliftâ- 
ce  du  Seigneurlefusquinefeprcfchent  pas 
eux- mcfmeSi  mais  qui  prefchent  Chrift  ,  & 
qui  ccnfacrent  leurs  veilles  &  leurs  trauaux 
a  la  gloire  d'vn  fi  grand  Maiftrc  :  Ceux-là, 
feulement  peuuenc  ditQ  ,  Ncfts  triomphons 
toufiouYs  en  Chrijl, 

Nous  vous  difons  Mes  Frères ,  que  cette 
vidoirc  de  S.  Paul,  dc$  Apoftres  &  des  Mî- 
niftres  de  Chrift  confifte  en  ce  qu'ils  diffi- 
peut  les  erreurs,  &  qu'ils  cnfeigncnt  la  véri- 
té, &  en  ce  qu'ils  combattent  la  corruptioa 
des  hommes,  &  les  amènent  à  la  pratique 
de  la  vertu  ;  l'Apoftre  comprend  toutes  ces 
chofesences  mots,  Dieu  manifejlepar  nous 
l'odeur  de  fa  connotjjance  en  tous  Iteux  •  car  it 
parle  icy  de  cette connoiflance  falutairequi 
produit  infailliblement  l'amour  de  Dieu, 
de  cette  connoiffance  de  laquelle  S.  Ican 
difoit  au  chap.  4.  de  fa  i.  Epiû.  ^c  celtiy 


^6  Le    Triomphe 

^uin^aymefoint  n'A  f  oint  connu  Dieu  y  pour 
monftrer  qu'il  eft  impoflible  de  le  connoi- 
ftre  fans  Taymer,  &  de  laquelle  noftre  Sau- 
ueur  difoit  au  1 7.  de  l'Euangile  félon  Saincft 
lea n,  ^e  c'ejl  icy  la  vie  éternelle  de  connotjîre 
Dieufeulvray  Diett^  (jr  celuy  qitil  4  enuoyé 
Jefus-Chrijl. 

Or  nous  deuons  bien  confefTer  que  Dieu 
auoit-manifefté  faconnoitîance  parles  oeu- 
«res  delà  création;,  puis  que  Saind  Paul 
nous  témoigne  au  premier  de  fon  Epiftrc 
aux  Romains,  ^e  les  chofcs  inutjibles  de 
Die/t^  à  fçauoir  tant  fà  puiflance  éternelle 
quefà  diuinité,  fevoyent  comme  a  lœilefiant 
conjiderées  enfes  ouuragesy  afin  que  Us  hommes 
fuient  rendus  tnexcufablcs^Lt  Prophète  Dauid 
nous  enfeignoit  la  mcfmechofe  au  Pfeau- 
me  19.  où  il  nous  rcprefente  les  Cieux  com- 
me publians  /a  gloire  du  Dieu  fort,  é*  l'ejlendué 
côme  nous  annonçant  louurage  defes  mains. 
Et  certes  Dicua  graué  fur  le  front  du  Fir- 
mament de  fi  illuftres  tefmoignagcs  de  la 
puiffance  de  /à  main,&  des  marques  fi  éclat- 
tantes  de  fon  admirable  iàgeife  qu'on  peut 
dire  que  les  Cieux  ne  montrent  pas  feule- 
ment, mais  qu'ils  chantent  mefme  &  qu'ils 
Célèbrent  à  haute  voix  les  merueiUcs  &  la 
gloire  de  leur  Authcur.  Lors  que  vous  con- 
templez cette  vaftc  cftenduc  des  cercles 

celefles. 


DÉ      L*EVANGI  L  1.  ij 

<:clcftcs,  cette  rapidité  fi  violence  &  fi  ré- 
glée qui  les  emporte  de  l'Orient  à  l'Ocçi- 
dent>  cette  pureté  merueilleufe  de  la  matie* 
re  dont  ils  rontcompcfcz,  Recette  brillan- 
te fplendeur  de  tant  de  feux  qu'on  y  voit  re- 
luire :  ne  vous  fcmble-il  pas,  que  ces  mer- 
ueilles  font  autant  de  langues  dont  les 
Cieux  forment  cette  voix,  La  main  qui  nous 
4  formez,  ejl  toute  puijfnnte,  &  ^^fig^Jfi^^*^ 
nous  f  re fer it  les  ordres  que  nousfuiu'bs  eji  infinie. 
Mais  quelque  puifîante  que  fuft  la  voix 
des  Cieux,&:  quelque  riche  que  fuft  ce  ta- 
bleau où  Dieu  seil  peint  luy-mefme  aucc 
de  fiviues  couleurs,  les  hommes  eftoient 
fourds  a  cette  voix, ^&:  aueugles  a  ces  mer- 
ueillesj  ils  eftoient  fans  Dieti  au  monde, 
encore  que  le  monde  leurprefchafthaute- 
mentvn  Dieu  j  &  cette  gloire  eftoit  refer- 
uée  aux  Apoftrcs ,  &   aux  Miniftres  de 
Chrift  5  d'eftre   les  bien-heureux  organes 
que  Dieu  employé  pour  manifefler  en  tous 
lieux  l' odeur  de  fa  conmiffance-  Quand  Dieu 
fe  fcrt  de  quelques  moyens  pour  acheuer 
fes  ouuragcs,  il  s'en  fert  par  indulgence  & 
non  pas  par  ncccffité,  pour  honorer  les 
moyens  &non  pas  par  quelque  befoin  qu'il 
ait  de  leur  entremife  :  mais  cela  fc  vérifie 
particuherement  en  laconuerfion  deshom- 
mes i  Dieu  pourroic  ou  leur  taire  ouïr  aa 

E 


dehors  vncvoix  quiles^duertit  deîcur'de- 
uoir,  ou  efcrire  immédiatement  fcs  loix  au 
dedans  de  leur  cœur,  ^  neantmoinsil  a 
-voulu  employer  des  hommes  en  cet  ouura- 
ge  admirable,  lia  voulu  comme  fe  les  affo- 
cierjafin  quils  fulTent  >ouuficrs  aucc  luy» 
Xors  qu'il  créa  le  monde,  il  agit  par  fa  feule 
parcle,lesCieux  ont efté  faits  par  clic,  ôc 
toute  Tarniee  des  Cieux  par  l'Esprit  de  fa 
bouche  ;  mais  en  la  création  de  ce  nouueau 
:JVlonde ,  il  nous  fait  cet  honneair  de  nous 
-commander  d'y  trauaillerauecluy  ,  :6c  veut 
manifeftcr  par  nous  l'odeur  de  fa  connoif- 
(incc.   S^ns  nous  il  a  peuple  l'air  doy- 
/eaux>k.Mer  de  poiiïons,  &la  terre  de 
.plantes &d animaux. i  mais  Jl  ne  veut  pas 
îans  nous  peupler  le  Cield'ames  bien-heu- 
-reufes,  ny  fauuer  les  hommes  delà  mort. 
-Vousdinez  qu'il. fait  de  tous  les  prédica- 
teurs de  fa  parole  autant  de  Cauueîjrs  du 
monde  .Entenàtoy^  dit  Saincl  ;paol;i  Ti- 
moihée  au  chap.  4.  de  la  r.  Epiftreqù  il  luy 
cfcrit  ;  Enten  àtoy  dr  nl'endocirmementM  Pcr- 
ftfte  en  ces  chofes^  car  en  ctfaifafittn  iefafiffteras 
toy-mefnte^C^  ceux cjtn.t'é coût ew ,\\  f\o\is  fem- 
ble  bien  que  ç'eufteftc  vue  belle  chofc,  fi 
les  Anges  &  non  pas  les  hommes! cuffent 
crté  honorez  de  CC' glorieux  cmplby  ;  &  jl 
♦ne  faut  point  doucei:  que  ces  rayons  de  lu- 


D  £       l'  E  V   A  X  G  I   L  B.  2^ 

inierc  donc  nous  les  verrions  briller^  que 
cette  diuine  éloquence  qui  efclattcroit  dans 
leur  difcourSj  que  cette  gloire  &  cette  Ma-i 
jefté  donc  ils  fcroienc  enuironner  ne  frapalb 
lesf€nS5&  ne  furpric  les  efprics  des  hom- 
mes pour  les  faire  tenir  dans  vnc  humble 
foiimiflion  ;  Figurez  vous,  ie  vous  prie^qucL 
fcroitnoftre  eftonnemenc^fi  lors  que  nous» 
fommesaflcmblezdansce  lieu  pour  adorer 
rEtcrnel3&:  pourinuoquerfon  Saint  Nom, 
nous  voyio^îs  en  va  inftant  la  voûte  du* 
Temple  le  fendre,  &  vnc  lumière  celefte  {& 
répandre  de  couces  parts  ;  &  fi-  du  milieu  dç* 
cetteclartc  merueiÙeufe nous  oyons  fortii* 
vue  vaixqui-nous  annon^aft  la  grâce,  qui 
nous  parlaft  des  mérites  de  noftre  Saiiueur/ 
des  foufîra^icesde  (a  mort,  de  la  magnifice- 
cedefoâtriomphe  &  de  rexcellchcedclîl 
gloire  qu'il  prépare  à  fcs  Groyans.  MâfiB 
confeffbns^  Mes  Frères,  qu'alors  la  mer-^ 
ueille  de  noftre  conuerfion  ne  feroit  pas 
grande,  &  noftre  foy  fembleroic  pluftoft  vrt 
effet  de  l'apparition  de  cet  Ange  ,  que  de 
la  vertu  du  Saind  Efprit  :  l'employ  d'vii 
moyen  fi  illuftre  donncroit  moins  de  glojrd 
à  cette  première  caufe,pource  qu'on  en 
Mpporteroit  vne  parties  ce  moyen,  &  loit 
poûttoit  douter  qui  auroit  plus  contribué  à 
la  vôcacion  de  rhouime  -,  ou  l'Ai^gc  ou  le 

E   2 


30  Le    Triomphe 

SaindEfprit.  Aulieu  que  maintenant  Dieu 
employé  des  moyens  li  foiblcs  d'eux  mef- 
mcs,qu'en  radroiration  de  ce  giandetfect 
qu'ils  produifent,  on  eft  oblige  de  monter 
iufques  a  Dieu  3c  de  luy  en  attribuer  toute 
lagloire.  Lors  qu  auec  vne  puiflfante  armée 
lolué  met  en  fuitte  les  Cananéens  :  On  s'ar- 
refle  facilement  à  la  valeur  &  au  nombre  de 
fesfoldats,  quand  on  cherche  la  caufe  de  fa 
vidloire,  &  on  ne  porte  pas  fa  penlee  fur  le 
fecoursdeceluyqui  s'appelle  le  Dieu  des 
combats    6c  l'Eternel  des  armées  :  mais 
quand  aueç  vne  gaulle  a  bœufs  Sangar  fur- 
iponre  les  ennemis  d'ifraêl,  quand  auec  vne 
mâchoire  d  afne  Samfon  met  à  mort  raille 
Philiftins,  nous  ne  pouuons  nous  arrefter 
ny  à  Samfon  ny  a  Sangar,nous  y  rcconnoif- 
fons  le  bras  du  Tout-puifTaht ,  &  voyons 
bien  qu'il  eft  IVnique  autheur  de  ce  miracle: 
De  mefme  fi  vn  Ange  prefchoit  TEuangile, 
il  le  prefcheroit  auectant  de  dignité,  &  la 
rcfiftancc  que  les  fuperftiticux  &  que  les 
tyrans  luy  oppoferoientferoit  fi  peuconfi- 
derabIe:,qn'on  pourroit  attribuer  laconuer- 
fiondelhomme  à  la  feule  prédication  de 
l'Ange  :  Mais  lors  qu'vn  homme  foible  an-r 
nonce  ce  mefme  Euangile,  &  que  Ton  void 
de  û  puifTans  ennemis  qui  le  choquent  & 
qui  veulent  rendre  inutiles  fes  labeurs  5c fes 


DE       l'EvANCIL£«  3^ 

efforts,  &  que  neancmoins  dans  le  fucccz 
cet  homme  infirme  vient  a  bout  du  dcflein 
qu'il  a  entrepris  d'amener  les  hommes  au 
Seigneur  lefus ,  il  faut  ncceffairement  qu'on 
aduouèque  c'eft  TEfpritde  Dieu  qui  agit, 
qui  conuertit  les  cœurs  rebcUcs,  &  qui  dif* 
fipe  les  ténèbres  de  1  erreur.  Que  nous  ne 
fommes  que  des  inftrumens  foibles  en  (a 
main  toute  puiflante  :  Que  c'eft  hiy  qui  ma- 
nifefte  par  nous  l'odeur  de  fa  connoiffancc. 
par  nous  donc  6c  non  pas  par  la  voix  des 
CicuXyôc  parlesouuragesde  la  nature,  par 
nous  encore,  &:hon  pas  par  Tentremife  des 
Anges,  Enfin  par  nous,en  oppofant  mefmc 
TEuangilc  a  la  loy,  &  les  ^enfeignement  des 
Apoftres  aux  oracles  des  Prophètes. 

Car  en  effet  la  connoiffance  que  Dieu 
donnoitde  foy-mefme  parle  miniftere  des 
Prophètes,  &:  fous  ladifpenfation  de  laloy> 
cftoitobfcure  en  comparaifon  de  celle  qu'il 
nous  donne  auiourd'huy  fous  la  difpenfa- 
lion  de  la  grâce.  La  parole  des  Prophètes 
cftoit  comme  vne  chandelle  qui  efclaire  eii 
vn  lieu  obfcur,  &  celle  des  Apoftres  eft  cô- 
nie  vn  Soleil  qui  illumine  toutes  chofcs. 
Maintenant  Dieu  s'eft  manifcfté  à  nous  en 
Icfus-Chrift^  quicft  l'image  deDicuinuifi- 
blc,qui  eft  la  refplcndeur  de  fa  gloire,  &  la 
marque  engrauce  de  fi  pcrfonnc  ;  en  telle 


jà  Le    T  R  I  O  m p  iî  b 

forte  que  qui  le  void,  il  void  à  incfmc  temps^ 
le  Pcre:  Le  myfterc  de  la  Trinité  &  de  la 
Rédemption,  qui  font  à  tnon  aduis,  les  deux 
q4ii  nous  donnent  vne  plus  particulière 
connoiffancc  de  Dicu^fe  de  ce  qu'il  eft  en 
luy-rtiefrtiej&decequ'il  eft  enuers  nous:' 
Gcs  dfeuK  grands  &  importans  myfteres, 
cftoienc  cachez  fous  des  voiles,  &  eftoient 
frpeuconneus,qucle  moindre  au  Royau* 
me  des  Cicuxeft  plus  grand  en  cette  con- 
noiflTance  que  les  Prophètes  &  les  Patriar- 
dies.  Les  perfe(îHons  de  noftre  Dieu  nous* 
font  maintenant  toutes  connues,  noftrc  amé* 
rauie  contemplcà'dcfcouuerf  lés  tendre/Tes 
de  fonamourilestfchefles  de  fa  grâce,  le» 
dcfleins  de  fa  Sagcfle  ,  &  les  mertacillei  de 
fon  pouuoir  en  Toeuure  de  nôftre  deliuran- 
ce,dan^laqueUe  la  grâce  fàlutaii^eft  clai-^ 
rement  apparue' â  tous  hommes-  EtVroipme 
la  bonté  de  Dieu  eft  par  deffus  toutes  fes 
césures,  nous  poiiuons  dire  qu'il  ne  s'eftoic 
jamais  donné  bien  à  connoiftre  aux  hom- 
mcsjiufqu'à  ce  qu'illeura  fait  voiries  der- 
niers efforts  de  fa  charité  infinie,  &  la  hau* 
teur,  la  largeur,  la  longueur  &  la  profon- 
deur de  cette  charité  n'ont  paru  qu'en  la 
mort  du  Seigneur  Iefus,&  la  niorc  du  Sei- 
gneur Icfus  n*a  efté  prefchée  que  parles 
Apoftics  &-parIes  Prédicateurs  d^  l'Euan- 


DB      t'E  V  A  NOIÎ.  B.  ^J 

£ilc  :  c'cd  cionc  par  leur  miniilerc  que  Dieu 
s'cftrcuelcau  Monde, /'^r  /r^«j  D/^m  m4n{^ 

fejle  lùdeur  de  [a  connaijjkmc  en  tcus  Ueux^ , 

Lacoi^noiflance  de  Dieueit  (ouuencco- 

pâcee  à  la  lumière  dans  1  Efcricure  fainde^ 

&  les  Miniftreb  de  la  grâce  font  comparent 

adesHambeauxquiporrccau  deuanc  d'eux 

-la parole  de  vie  ;  Mau  icy  il  nous  eft  parlé 
de  l'odeur  de  cette  connoifIance>  àc  au 
verfet  fuiuant ,  les  >\p<>ftres  font  appeliez 
la  bonne  odeur  de  Chrift.  Ils  ne  Ibntpas 
feulement  de  belles  lumières^  &  des  aâres 

.  bri/lans  qui  jettent  de  toutes  parts  vne  clar- 
té viuifiante,  mais  ils  font  encore  comme 
des  vafes  précieux  qui  contiennent  des  re- 
mèdes incomparables,  dont  l'odeur  parfu- 
me l'air,  &  dont  U  vertu  reftaure  les  âmes. 
I^ofts  manifcjlms  l odeur  de  U  connoijfancc  4t 
Z)/^«.  Nous  difons  ordinairement  que  ceux 
de  qui  la  mémoire  eft  en  benediâion  après 
leur  mort, ont  laiffé  vne  bonne  odeur  de 
leur  nom,  au  contraire  nous  auons  accou- 
tume de  dire  de  ceux  qui  viuent  mal,qu'ils 
fojuten  mauuaifeodeura  cous  ceux  qui  les 
comioilTent  :  &  lesllraèliies  au  cinquiefnjc 
de  l'Exode  fc  plaignent  de  Moxfc  &  d'Aarô, 
&difent  qu'ils  font  puir  leur  odeur  deuanc 
Pharao.  le  i>'cfti,me  pas  neantmoins  que 
1  ApoAre  qui  parie  de  i'Qdeiir  dCiMcon- 


34  LeTriomphi 

noiflance  de  Dieu,ait  entendu  feulement  la 
réputation  &  la  gloire  de  ce  grand  Dieu 
qu'il  fcmoit  dans  le  Monde  comme  vne 
precieufe  odeur  :  Il  a  fans  doute  confideré, 
que  comme  les  bonnes  odeurs  fortifient  de 
réjoùiffent  les  efprits  animaux  dont  noftre 
ccrueau  eftlafoutcci  ainfi  la  connoifTance 
deDieuinfpirc  à  noselprits  &  la  vigueur 
&  la  joye  ;  La  doôîrine  du  Seigneur ,  difoic 
Dauidau  Pfeaume  19.  ejl  entière,  elle  rejlaure 
tame^  les  comandemens  du  Seigneur  font  droits^ 
ils  reftouijfent  le  cœur. 

L«  Prince  des  Médecins,  le  grand  Hypo- 

crate  dans  le  traitté  desaliments  ,  nous  en- 

feigne  que  lors  qu'vne  perfonne  abbatuc 

par  la  faim  a  befoin  d*eftre  promptement 

fecouruëjpourrappellerpluftoft  fes  forces, 

il  faut luy  donner  des  chofes  liquides,  ou 

pour  agir  auec  vn  fucccz  plus  prefent ,  ii 

faut  fe  feruir  des  odeurs.  Democrite  con- 

ferua  trois  jours  fa  vie  par  la  feule  odeur  du 

pain  chaud  :&  l'on  croit  qu'Arifto^erece ut 

vn  pareil  fccours  de  l'odeur  des  pommes. 

Pour  remettre  bien-toft  vne  ame,  pour  la 

nourrir  &  pour  la  fortifier  dans  la  vie  de  la 

grâce,  l'odeur  de  la  connoiffance  de  Dieu 

cftleîàlutaire aliment  qui  luy  peut  donner 

des  forces  qu'elle  chercheroiten  vain  dans 

Us  fciences  humaine«.  Ce  a'cft  pas  tout 

encor' 


Dl      T*  E  V  A  NC  I  L  E.  35 

encore,  car  VOUS  f^auez  que  les  odeurs  pu- 
rifient l'air,  &  pour  celte  raifon  les  Egyp- 
tiens feparfuinoient  au  matin  auec  quelque 
efpecc  de  refme ,  &:  au  midy  auec  de  la 
myrrhe:  L'on  employé  parmy  nous  les  par- 
fums de  bonne  odeur  contre  les  rauages  de 
la  pelle.  Et  l'odeur  de  la  connoiflancc  de 
Dieu  n'efcarte-ellc  pas  le  venin  qui  donnc- 
roit  la  mort  à  nos  âmes  ?  &  ne  nous  prefer- 
ue-elle  pas  de  la  contagion  de  l'erreur  i 

Adjoufterons-nous  enfin  auec  S.  lerofmCj 
que  TApoftre  parle  de  la  connoiflance  de 
Dieu  comme  d'vne  odeur,  pource  que  nous 
flairons,  pour  le  dire  ainfi,.  la  diuinité  plu- 
toft  que  nous  ne  la  voyons.  Et  comme  fi  on 
vous  prelentoit  dans  vn  vafe  quelque  dro^ 
gue  de  grand  prix,  vous  en  fentiriez  l'odeur 
auant  que  d'auoir  ouuert  le  vafe  j  Ainfi  iuA 
qu'a  ce  que  Dieu  fe  reuele  a  nous  dans  le 
Ciel,  nous  en  Tentons  Todeurdans  les  grâ- 
ces qu'il  nous  communique  jinais  lors  que 
nous  ferons  recueillis  dans  fon  Paradis, 
nous  le  contemplerons  face  à  face ,  &  fcrôs 
raffafiezdefa  bien-hcurcufe  reflemblancc, 
C'eftoit  fans  doute  de  cette  odeur  que  Dieu 
répand  de  foy-mefrac  dans  l'Euangile  ,  Se 
que  nos  âmes  reç'oiuenr  auec  tant  de  plaifir, 
&  auec  tant  d'vtilité,  que  Dauid  parloitau 
Pfeaume  45. quand  il  difoicque  le  mufq  & 

F 


J5  I  I     T  K  I  O  M  ?  H  ij 

Tambrc  dcfcouloient  des  vcftcmcns  de 
rE/poux^&poorcela  que  Ton  Efpoufe  au 
premierdu Cantique  des  Cantique^,  parle 
de  la  bonne  odeur  de  Ces  parfums,  &  demâ- 
dedeihe  attirée  pour  courir  après  luy,  &c 
voicy  les  Apoftrcs  du  Seigneur  lefus  qui 
fement  cette  falutaire  odeur  par  tout  l'Vni- 
Mers,  irranifeftant  en  tous  lieuK  Todeur  de 
laconnojfTance  de  Dieu. 

Puis  que  c'cft  en  tous  lieux  que  l'Apodrc 
îTianifeltoitla  cônnoiifance  de  Dieu,  il  pa- 
roift  que  le  temps  eftoit  venu  auquel  Dieu 
ne  deuoic  plus  comme  auparauant  cftrc 
cogneu  feulement  dans  la  ludée.  Que  ce 
neiloitplus  feulement  en  Ifraèlque  la  force 
de  (btt  nom  deuoit  ettre  rendue  célèbre; 
maisque  fuioant  l'oracle  que  Dieuenauoit 
prcxnoncc  par  la  bouche  de  Malachie  ,  au 
premier  de  fes  re-uelations,  il  faloitque  le 
nom  de  Dieu  fuft  grand  depuis  lOrientiuf- 
qu'al'Occidenr:,  ôiquen  tous  lieux  on  of- 
frit  des  encenfemens(&  des  oblacions  nettes 
à  fonnam.Ilfalloitque  les  Gentils fuflcnt 
appelles  pour  faire'Vhmefmecorpsauecque 
les  luifsj  &  que  de  toute  la  terre  Dicfu  en  fît 
comme  vn  Temple  varte  &  fupefbc,  ou  il 
peuft  receuoir  les  hommages  de  toutes  les 
Nations.  En  tous  lieux  doitc  fc  iait  agréa- 
blement iènct;-cctte  edeur  q.ui  auparauant 


DF       l'Ey  A  N'G  IL'I.  J7 

ne  parfumoic  que  la  Palelline  :  Ce  n'cft 
plus  feulement  eu  Galaad  cjiic  nous  trou- 
uons ce  baume  ineilimable,  qui  confolidç 
nos  playes^ il  nous  ell  offert  en  tous  lieuxt. 
Et  comme  1  Apoftre  auoic  dit,  qttU  triom- 
fhoit  tottjiours  en  Cbrïfl^  il  dit  au  merme  fens, 
quilmamfejlc  en  tomjteax  l'odeur^de  U  con^ 
noijfince  de  DieujCcd  a  dire  que  par  tout 
ou  il  prefclie ,  (  &  vous  f^auez  qu'ij  prefcha 
en  vncinfînité  de  lieuxdansrxA^fie  6c  dans 
rEuropc,)partoiit  ou  ilprefche^il  gagne 
des  âduantages'iur  Sataa^  &  fur  le  Monde  ; 
qu'ilfait  par  tous  des  progrez  &c  des  con* 
qucftes  i  que  s'il  trouue  par  tout  des  enne- 
mis, il  a  par  tout  la  gloire  de  les  furmonter^ 
qttefesefpines  fc  conuertiflent  en  palmes^ 
&;fes  combats  en  triomphes.  ^ 

O  que  ces  vitftoires  font  illuilrcs  !  &  que 
Tamc  dcSaindt  Paul  eftoit  bien  remplie  de 
joye  quand  il  receuoit  vo  fi  beau  fruiâ  de 
fes  labeurs,  &  que  fes  efforts  eftoicut  cou>. 
ronnezd'vn  euenementfi  fauorable.  Mais 
ne  penfezpas  pourtant  qu'il  en  prit  occa- 
fion  de  s'en  orgueillir  .*  ne  pcnfez  pas  qu'il 
-cnccnfafl  à  fes  rets  ,  &:  qu'il  facrifiaft  a  fes 
filets: ces aduantagesrciieilloicnt  (à  grati- 
tude, &  non  pas  fa  prcfompiia.a^  ils  Tobli- 
gCQÎent  a  glorifier  Dieu,  &1100  pas  a  s'ap>* 
plaudir  ai'oy-raefjiic.  Grâces  y  dit.  il ,  fiieni 

F  2 


3?  L  E    T  RIO  M  P  Ht" 

rendues  à  Dieudjui  nous  fait  triopber  en  Chrijl: 
^  qui  manifejie  farnous  t  odeur  de  [a,  ccnnoify 
tfance  en  tous  lieux.  Nous  triomphons  en 
Chrift^mais  c'eft  Dieu  qui  nous  faic  triom- 
pher :  nous  manifcftons  la  connoiflance  de 
Dieu,maisc'cft  Dieu  qui  la  manifefte  par 
nous:  nous  n'agiffons  qu'autant  qu'il  nous 
en  donne  lemouuement,  &:  la  force.  Que 
voftre  attention  ferenouuelle.  Mes  Frères, 
&  pourueu  que  l'E/prit  de  Dieu  me  fouftié- 
ne  ,  ie  vous  parleray  briefuement  de  cette 
vertu  de  Dieu  quis'accomplit  en  noftre  in- 
firmité, GYAces  k  pieu  qui  nous  fait  triompher 
en  Chriji. 

La  conuerfion  des  amcs,  eft  vnc  féconde 
création.  Ou  eft  donc  l'homme  viuant  qui 
puifiTe  de  foy-mefme  achcuer  vn  fi  grand  ou- 
urageriifaut  du  milieu  du  chaos  dq  vice, 
tirer  les  lumières  de  la  pieté  :  il  faut  former 
\n  homme  nôuueau  en  iuftice  &  vraye  fain- 
detc  :  il  faut  non  pas  fonder  la  terre' ,  mais 
tranfporter  Thomme  qui  n'eft  que  terre  iuf- 
qu'au  delTus  des  Gieuxrilfaut  fous  les  en- 
feignes  de  lefus-Chrift  renuerfer  toute  hau- 
teflTc  contreuenante  à  fa  gloire  ;  il  faut  baftir 
le  grand  édifice  de  TEglife,  &  polir  ces  pier- 
tesviues  qui  doiuent  entrer  en  ii  conllru- 
^ion.  Et  lors  que  nous  acheuons  toutes  ces 
chofc* ,  t^^^a  ce  pas  â  Dieu  que  nous  en 


DE       l'  E  Y  A  N  G  I   LE.  39 

aoons  toute  l'obligation?quieftcc  qui  nous 
donne  vn  front  dt diamant  contre  le  vice,  & 
IjC^  vicieux  ?  Qui  eft  ce  qui  nous  donne  la 
langue  des  bien  appris  ?  Quieft-ce  qui  nous 
ouure  les  kurespourannoncerles  mcrucil- 
les  du  Smiuerain  ?qui  eft-ce  qui  ouure  les 
cœurs  des  hommfes,  afin  que  noftre  predica*. 
tion  y  foit  receùe  ?  Ccft  Dieu ,  c'eft:  Dieu, 
Mes  Frères,  qui  ett  le  feul  autheur  de  tous 
ces  miracles.  Il  faut  difoit  Saind  Auguftin, 
corriger  les  peruers  ,  arrefter  ks  inquiets, 
confoler  les  miferables,  animer  les  lafches, 
redarguer  les  contredi/àns^efuciller  lespa- 
reiïeux,  fouftenir  les  infirmes,  enfcigner  les 
ïgnorans, reprimer  les  contentieux,  fecôu- 
rirlespauures.foulager  les  oppreffez,  hu- 
milier les  fuperbcs,  pacifierceux  qui  font  Cft 
querelle,  ramener  ceux  qui  s'efgarent ,  ten- 
dre la  main  à  ceux  qui  font  trébuchez,  ap- 
prouuerles  bons,  fupporter les  mauuais,  les 
aimer  tous,cn  vn  mot  triompher  des  hom- 
mes &:  des  démons,  du  Monde  &  do  péché 
de  lachair&du  fang,  &  de  tous  les  obfta- 
des  qui  s'oppofent  à  Tefficace  de  noftre 
Miniftere,  au  falut  des  hommes  &  à  la  gloi- 
re de  Dieu.  Et  fi  Dieu  n'efpandoit  fa  benc- 
diâion  fur  nos  laheurs,  s'il  ne  releuoit  no- 
ftre courage,  vn  homme  feroit-il  capable  de 
CCS  chofcs  c  Tremblez  à  la  pcnfce  de  coûtes 


40  L«   Triomphe 

ces  difficultez>  ô  Miniftres  du  Seigneur  le- 
fgs,  tremblez  au  fouuenirdevoftrc  foiblcf- 
fe,  &  dites  comme  leremie ,  Ha  !  Seigneur^ 
enuoye-Ie  par  les  mains  de  celuy  que  tu  de- 
urascnuoyer,car,helas!  quifommes-nousj 
Mais  non,  prenez  courage,  puifque  le  Sei- 
gneur lefus  a  promis  dcltrc  aucc  vous,  fon 
Érpric  fo ulagera  vosfoiblefles,  &  renforce- 
ra voftre  cœur  ;  vous  pouuez  toutes  chofes 
cnChriftqui  vous  fortifie.  Rendez  donc  à 
liiy  feul  toute  la  gloire  du  fuccez  de  vos 
trauaux,  &  dites  auecvnc  (ainâe  gratitude, 
Cracesfoiet  rendues  à  Dieu  qui  nous  fait  triom^ 
fhercn  Chrifl. 

Ezechiclrapporteau  premier  du  liure  de 
fcs  Reueiations,  qu'il  vid  des  roues  qui  s'a- 
uançoient  auec  beaucoup  de  viteiTe  -,  ce  qui, 
fans  doute,  cftoit  bien  capable  de  luy  don- 
ner de  leftonnement,  mais  il  apprift  la  rai- 
fon  de  ce  mouucmet  miraculeux^c'cft  qu'vn 
cfprit  faifoit  mouuoirces  roiies.  Admirez- 
vous  l'eflFet  de  la  prédication  des  Apoftres, 
cette  conuerfion  des  peuples,  cette  noiiuellc 
face  qu'ifs  donnêt  à  l'Vniuers^ne  vous  arre- 
ftcz  pasnyà  cette  celeftceloqueceauec  la 
quelle  ils  annôcct  les  my (leres  de  C.  ny  aux 
miracles  qu'ils  produifét,  ny  àleurs  labeurs 
ny  à  leurs  veilles,  ouurez  les  yeux  &  vous 
verrez  TEiprit  de  Dieu  qui  am'nic  cette  ma- 


DE       t'EvANGlIi.  4t 

chinciquilacôduit^qui  la  fait  mouuoir,&qui 
cd  la  première  caufe  de  ces  mcrueilleux 
cuencmcs.  Il  ne  faut  pas  facrifîer  à  Paul  ny  à 
BarnabaSjCe  ne  font  point  des  Dieux  qui 
fefoient  rendus  vifiblcs,  ce  font  des  hom- 
mes que  Dieu  fait  agir,  &  qu'il  accompagne 
deiâ  verru.  Nous  f^^uons  que  la  chair  &  le 
faiig  ne  reuele  point  les  chofes  de  Dieu, 
que  c'eft  noftcc  Pcre  celefte  qui  nouscn 
donne  la  connoiffancc.  L'homme  animal 
ne  Comprend  point  les  chùfts  qui  font  de 
TEfpritde  Dieu,  elles  luy  font  folie  ,  d'au- 
tant qu'elles  fe  difccrncnt  fpiritucllemenr, 
6c  ccil  Dieu  feul  qui  nous  communique 
cétEfprit  quilesdifcernc.  Noftrecœur  cft 
couuert  de  ténèbres  ,  iufqu'a  ce  que  Dieu 
i'éclaireluy-mefme,&:  nous  femmes  morts 
iufquacequ'il  nous  refufcite.  Nul  ne  va  à 
Chnd  file  Père  ne  le  tire,  &  nul  ne  fe  cod- 
iiertit^  que  lorsque  Dieu  luy  en  donne  & 
Icdefir&laforce. 

Le  Minière  de  Chrift  nous  parle  de  la 
pieté>  &Dieu  fèul  de  fon  propre  doigt  U 
peutgrauer  aufond  denoftreame.  Le  Mi- 
niflre  nous  enfeignc  le  chc min  du  Ciel ,  Se 
Dieu  donne  i  nollre  cœur  de  nouuelles  for* 
CCS  pour  entrer  danscettcvoye,  &  poutjr 
faire  Jes  progrcz.  Le  Miniftrc  prclche  & 
Dieu  periuadc,le  MiniAre  parle  âc  Dieu  k 


42  Lh     T  RIOM  PHI 

fait  efcouter,  le  Miniftrc  annonce  la  parole 
de rEternei, & lEtcrnel accompagne  cette 
parole  d'.vne, vertu  infurmontabie  qui  nous 
Fait  courir  après  nollre  Dieu.  Ah  !  Mes 
FrcteSj  que  cette  vertu  du  Saind  Elpriteft 
puiflTante,  mais  qu'elle  eft  doijcc  :  qu'elle 
nous furmonte  j  mais  qu'elle  nous  flatte: 
qu'elle  triomphe  glorieufement  de  nos  ef- 
prits,  mais. qu'elle  fait  bien  confentir  nos 
cfprits  a  cette  douce  violence.  Tu  m'asatti- 
ré,  6  Eternel,  &  j'ay.  efté  attiré,  tu  as  efté 
•plus  fort  que:raoy,Iln€ft  ennous  ny  aueu- 
glement  que  cette  vertu  puilfante  n'illurai- 
ne^ny  brouillard  qu'elle  ne  difîîpe,  ny  venin 
qu  ellcne  chaffe,  ny  dureté  qu'elle  n'amol- 
lifle,  ny  ohftacle  qu'elle  ne  vainque,  ny 
frayeur  qu'elle  n'appaife,  ny  penfée  fiereôc 
orgueilleufe  qu  elle  n'amené  captiue  à  la 
OoixdcChnft.  Ceft  donc  à  cette  vertu 
puifTantedeTEfpritde  Dieu,  à  cette  main 
inuifiblequiofte  le  cœur  de  pierre  &  qui 
donne  le  cœur  de  chair,  qu'il  faut  rapporter 
toute  la  gloire  de  noftxe  conuerfion,.C'ç/?  à 
DleUy  c'efih  Dieu  qu'il  faut  rendre  grâces  de  cf 
qu^'il  nous fâitirio.mfher,  en  Chriji.  :  -  =  i 
.p  viues  &  brillantes  lumières  de  l'Eglife, 
Sain<fts  Ap.oilres,.Sain(Ss  Martyrs ,  Sainds 
Euefquesdcla  vénérable  antiquité,  voftrc 
-gloire  a  percé  robfcuritc-dp.iplijfieurs  fic- 
elés^ 


DB     L*  Evangile*  43 

des,  &  vieuc  encore  cblciar  nos  yeux: 
Nous  admirons  en  vous,  Teleuation  de  vo- 
ftrc  foy  i  les  tranfports  de  voftre  zèle,  rédac 
de  voftre  pieté,  la  profondeur  de  voftre  {<^z* 
noir,  la  force  de  voftre  confiance,  l'afllduué 
de  vos  crauaux,  6c  les  efforts  genereuxde 
voftrecourage  ;  mais  tout  grands  &coutad^ 
iîiirables  que  nous  vous  conceuons,  vous 
cftestofioursdâs  l'ordre  des  chofes  créées, 
vous  eftiez  des  hommes,  &  les  viâoires  que 
vousauez  remportées  fur  l'erreur  &  fur  les 
péchez,  font  au  deifus  des  forces  des  hom- 
:ines.Ils  le   f^auoient  bien.  Mes  Frères  ,  ils 
-fentoienc  bien  leur  foiblcffe,  ils  adoroient 
bien  cette  main  qui  les  fouftenoit:  Grâces  a 
Dieu,  nous  difent-ils,  auec  Sainâ  Paul,  ^m- 
ces  k  Dieu  qumotis fait  triomfhcr  enChtïjî, 

Sur  le  point  qu'Alexandre  fe  preparoit 
pour  la  bataille  d'Arbelles,  on  vint  luy  rap- 
porter que  fes  foldats  faifoient  entre  eux  vn 
fecret  complot  de  ne  luy  faire  point  part  des 
dépouilles  qu'ils  alloient  remporter  des  en- 
nemis j  il  fc  refioijit  de  cette  nouuelle,C'eft 
vnc  marque  afleuréc,  refpondit-il  >  qu'ils 
fontrefolus  de  bien  combattre  &  de  vain^ 
crc.  Il  en  eft  autrement  d^  ceux  qui  com- 
battent fous  lefus-Chrift,  ils  ne  vamquent 
iamais  s'ils  ne  font  vœu  de  luy  en  confacrct 
touteslcsdcpouilks,  comme  on  ne  peut 

G 


'44  Le    Triomphe 

vaincre  que  par  fonfecours  5  il  nefaut  vain- 
cre que  paria  gloire.  Malheur  a  ccluy  qui 
attribué  a  (on  adrefTe  ou  a  /es  foins,  des  fuc- 
cez  qu'il  doit  rapporter  a  la  benedidion  de 
Dieu  &  a  l'opération  delà  grâce.  Ce  n'eft 
pasmoy,  diloit  Saind  Paul^^^nais  la  grâce 
de  Dieu  qui  ell  en  moy. 

Nouslifons  au  dernier  de  TEuangile,  fé- 
lon Sainâlean^que  les  Apoftres  ayant  pafle 
la  nuit  après  vne  pefche  inutille ,  I^fus  s'ap- 
parut à  eux  &  leur  commanda ,  fans  qu'its 
le  connufienr  encore,  de  jctter  leur  filet  dâs 
la  Mer,  &  ils  virent  que  leur  filé  fe  rompoic 
pourl  abondance  du  poiflbn  5  6c  reconrra- 
rentque  c'eftoicle  Seigneur  qui  venoit  de 
leur  donner cctaduis,  &c  de  faire  ce  miracle. 
Lorsque  nous  fommes  pefclieurs  d'hom- 
mes ,&  que  jeitans  les  rets  de  TEuangile, 
nous  voyons  des  âmes  en  foule  s'y  venir  en- 
lacer doucement  &  sy  jetterauecjoye  ,  di- 
ibns  hardiment,c'eft  le  Seigneur  qui  nous 
a  afliftcz  de  fa  prefence,  &  qui  a  déployé  /i 
vertUj  pour  luy  prefenter  a  mcfme  temps 
les  hommages  d'vne  faindte  reconnoifian- 
ce,  3c  pour  nous  efcricr  auec  Sain6tPaul, 
Grâces  à  Dietfqtù/iousfait  triompher  crtChrjJl, 
Les  faneurs  que  nous  reccuons  de  Dieu 
font  infinieSjfi  nous  les  voulons  côter^nous 
i/en  trouueronsiamais  le  nombre,  elles  cf- 


D  B       L*  E  V   A  N  G  1    L  E»  45 

piiifait  &  les  exprcifions  de  nos  langues, 6<: 
Içsrcfleiuimens  iiierme  de  nos  cœurs  ,  mai^; 
encre  les  fauctirs  celle  de  nous    auoir  faic 
nairtreChrelHen^eft  ineftinïable,  &  nous 
i;eii  deuons  ecernellement  bei>ir  ;  Et  entre 
ksChreftiens  ceux  qu  ila  honorez  du  mi-^ 
niftcrede  fa  parole, &  delà  dirpenfàcionde: 
fe&  iecrets  luy  ont  encore  vnc  obligation 
particulière.  Les  moindres  charges  font  ho- 
norables en  la  maifon  des,  Kçxs:  Et   qucj 
dirons-nous  de  cette  charge  qui  eft  la  plU:Ç* 
honorable  dans  la.  Maifon  de  Pieu  j  fi  1^; 
gloire  du  Maiftre  rejalit  fur  le  fcriiiteur  qu'il 
cniploye  <  Ce  grand-Diew  de  la  part  duquçL 
k3*Miniftres,  de  l'Euangiie  ripus  viennent 
annoncer  la  paix,  ne  les  c<HUire-il  pafs  dçj 
gloire? Et  bien  qu'on  puifle  dire   en  tout 
temps  aux  Pafteurs ,  ce  que  Dauid  difoic 
W^Xeuitesau  Pfeaume  J34.  O  'vous  Scrui^ 
teHffs4f*  Seigneur  ^ui  le  feruez.  en^fa  fainéi^^ 
Màifin^loùex.-leé'  célébrez  fin  nom,  Neant- 
tpoins  ils  en  ont  vn  particulier/^jet,  lors  quç^ 
Dieu  cpand^nt  largement  fa  benediâioft 
flir  leurs  labeurs,  leur  fait  la  grâce  de  tra^ 
uaillerheureufement,  &^ueç  fuccez  a.  U 
cotQuerfion des' hommes,  &  à  Tedificatioii 
de  TEglifc  -,  alors  leurs  âmes  rauies  doiuent 
continuellement  chanter  les  loiianges  de 
Dieu,  &:  dans  la  connoilTaBce  de  leurs  def- 

G  2 


4^  LéTriomphi 

fauts,  &  dans  l'admiration  du  fecours  du 
Ciel  ils  doiucnt  fe  ioindre  à  noftre  Apoftrc, 
pour  dire  aucc  luy.  Grâces  à  Dieu  qui  nous 
fiât  triompher  e»  Chrîji, 

Mais  comme  les  abeilles  après  auoir  volé 
fur  vne  infinité  de  rieurs  en  rapportent  dans 
leur  ruche,  ce  miel  qui  eft  le  fjuit  de  leurs 
labeurs,  &  le  fouftien  de  leur  vie  ;  il  faut  de 
melme  qu'après  auoir  porté  noftre  médita- 
tion fur  les  diuerfes  matières  qui  nous  font 
prefentéesdans  noftrc  texte,  nous  en  reti-^ 
rions  maintenant  le  miel  des  confolations,^ 
&  des  inftruâiôs  que  rEfprit  de  Dieu  nous 
y  fournit.  Mes  Frères,  bié-aymez  en  Noftrc 
Seigneur  lefus-Chrift,  Saind  Paul  &  les  au- 
tres Apoftreis  armez  d'vrie  vertu  celcfte  ont 
combattu  contre  l'erreur,  &  contre  le  vice: 
Ils  ont  vaincu  le  monde ,  ils  ont  triomphé 
de  Satan,iIsontrefpandu  la  bonne  odeur 
du  Seigneur  Iefus,&  toute  la  terre  a  couru 
après  vn  il  agréable  parfum.  Si  nous  ne  fom- 
nies  pas  Apoftres  de  mefme  qu'eux,  nous 
fommes  comme  eux  Miniflres  du  Seigneur; 
lefus,  notjsauônice  mefme  nom  auec  eux.' 
Mais  helas  !  d'vn  employ  fi  grand  &  fi  glo- 
#ieux>d  peine  nous  refte-il  maintenant  autre 
chofe  que  le  nom.  Nous  auons  auec  eux  le 
mefme  minifterc  de  reconciliationimais  he^ 
Jas  î  que  les  Mifliftres  leur  Çoni  inefgaux ,  Se 


D  B      L*E  V  A  N  G  I  L  E.  4^ 

que  radminiftraiioneft  différente. i^^/^^«^^ 
notés^fidanslefiede  futur  nous  jommes  autant, 
éloignez,  des  tbrofnes  de  leur  gloire  y  comme  défts 
le  fiedt  frefent  nous  nous  trouuons  éloignez,  dcÉ^ 
fâinÛes  traces  de  Uur  pieté.  "'î 

A  qaoy  pcnfez  vous  eftrc  appeliez, ôMi*-^ 
niftres  du  Seigneur  lefiis,  vous  cftes  appeU 
lez  à  la  conqwefte  de  l'Vniucrs,  vous  eftcs 
appeliez  a  de  coiuinucls  triomphes  ;  &  il 
vous  eft  bien  plus  glorieux   d'apporter  â 
Chrift  comme  fcs  Miniftres  le  çribut  de  plu* 
fieuirs  âmes  conuertics  par  lapredicaiion  de 
l'Euangile,  que  de  teceuoir  comme  Roy  s  16 
tribut  des  peuples.  Penfez  ferieuremcni  à 
rhonneur  &  à  h  dignité  de  ccttse  chargc> 
non  pas  pour  en  tirer  de  la  vanité,  mai» 
pour  ne  rien  faire  qui  foit  mdigtic  d'elles 
Comme  cette  charge  eft  releuée,  ia  <:heute 
de  ceux  qui  s'en  acq^uitent  mal ,  eft  d'autant 
flusdangereufe,  &ce  n  eft  pas  tanivn  bon^ 
heur  d'auoir  occupé  vnc  placé  fi  emine^tei 
comme  c'cft  vn  mortel  déplaifir  d'eftre  tom-* 
bé  défi  haut.  Permettez  moy,  mts  tres-ho- 
ftosez  Frères,  de  porter  la  main  fiir  nos 
play^s,  encore  que  ic  fois  le  plus  petit  dc 
ttws  Frères  en  la  maifon  de  noftre  PerCi 
Neantmoins  comni^  les   Aftrologues  di> 
fent>qMel'Aftrequîfeftdans  Tafccndant  eft 
fortifié  delà  venu  des  autres  vAinfî  i  ordre 


4^  L  E    T  R  I O  M  J>  H  B 

que  j  ay  rcceu  de  vous,  &  qui  me  fait  parler 
auec  quelque  authorité/orrifie  ma  foibiclle; 
le  vous  prefte  ma  voix  pour  exprimer  vos 
fcmitnens&pour  m  appliquer  à  moy-mcf- 
me  les  paroles  d'vn  grand  Euefque  de  l'an- 
tiquité :  Itfmsvn  ?  cintre  mal  fait  qui  feints 
vn  beau  vijage,  ^  tout  engagé  que  ie  me  jens- 
dans  Us  flots  ^  dans  les  ondes  dufeché^ta- 
drejfe  les  autres  au  fort  de  laperfe^ton. 

Comment  doncqucs  triomphez  vous  en 
Ghrift  vous  qui  V0U5  laiflcz  vaincre  à  vos 
paifions.  Comment  manifeftés-vous  l'odeur 
de  la  connoiflTance  de  Dieu  ,  vous  qui  pat 
vos  mauuais  exemples  refpandez  la  puan- 
teur de  voftre  corruption?  Comment  eues 
vous  Minières  de  Chrift,  vous  qui  eftesef- 
clauesjOu  de  voftre  ambition ,  ou  de  voftre 
auaricc  ?  Et  comment  eftcs  vous  les  Anges 
de  rEglifeyvous  qui  ne  fçauez  pas  échapper 
à  la  tyrannie  des  Démons?  Nous  iriomphôs 
de  l'ignorance  ,  lors  que  nous  enfeignons 
clairement  la  vérité  ;  Nous  triomphons  de 
la  mifere^  lors  que  nous  femons  la  confola^ 
tion  &c  U  joye  dans  les  efprits  afflige^:  Nous 
triomphon$dupechc  lorsque  nous  le  ré- 
primons par  nos  cenfuresrNQUS  triomphô$ 
de  la  difcorde,  lors  que  nous  réconcilions 
ceux  qui  eftoient  ennemis.  Voilà  qu'elles 
font  nos  vidoires,  mais  comment  nous  pré- 
parons-nous g  les  remporter  ? 


DE     l'Evangile.  -^  4f 

Pour  publier  la  vcritc  aucc  fruit  :  Nous 
deuons  confultec  nuicl  &c  jour  ioracie  des 
Elcritures  faindes  :  Nous  deuons  employer 
nos  foins  &:  nos  veilles  pour  digérer  ces  roy- 
iteres  dans  le  cabinet  >  auanc  que  les  expli- 
quer dans  le  Temple  jNous  deuons  mener 
nos  troupeaux  le  long  des  eaux  pures  ,  les 
abbruuer  aux  fontaines  falutaires  dlfraèl, 
ôc  les  repaidre  des  plantes  facrées  de  U 
montagne  de  Sion  ;  nous  deuons  pour  par- 
ler plus  clairement,  leur  propofer  la  feule 
parole  du  Dieu  viuanc, pour  la  règle  de  de 
leurs  mœurs  &  de  leur  foy  ;  Mais  en  confciê- 
cernons  acquittons-nous  bien  de  ce  deuoirî 
Nous  prefchonsla  vecité  ,  mais  ordinaire- 
ment nous  la  prefchons  auec  vncextrefmc 
nonchalance.  Combien  y  en  a-il  qui  ne 
prefchent  que  par  manière  d'acquit,  &  qui 
penfent  pluftoft  à  toute  autre  chofe  qu  a 
compoièr  leurs  Sermons  ?  Dieu  n'enuoyc 
pas  aujourd'huy  miraculeufement  fon  Ef- 
prit  pour  nous  rendre  doétes,  il  faut  que  nos 
labeurs  accôpagnez  de  fa  benedidion  nous 
acquièrent  du  {^^noïx.Celuy  qui  amajfe  durant 
l'Ejié  eji  vn  fils  iintdltgemt ,  mats  celuy  qui 
stndortfuY  la  motffonfatt  honte  k  fon  fer  c.  Les 
Rabbins difcnt  qu'il  y  a  trois  ioitcs>de  per- 
fonnes  contre  qui  Dieu  fait  a  la  Ai  >^clatter 
fon  indignation.  Celuy  qui  ie  i4W  ûant  de 


fO  L:K    T  R  IvQ  ;M.P  n::E. 

nuicSjncmcdJte  point  la  loy  du  Seigneur. 
Celuy  qui  médite  cette  loy ,  mais  qui  ne 
robrcruepoint>Ec  enfinceluyqui  l'obferuc 
pour  fa  propre.gloite ,  6<:  non  pas  pour  la 
gloire  de  Dieu  ;Ets'ilsledifent  en  gênerai 
de  tous  ceux  qui  font  dans  l'alliance  de 
Dieu,  ne  le  faut>]l  pas  dire  en  plus  forts  ter- 
iï>esdesPafteurs?La  colère  de  Dieu  ccla- 
lerafans  douce  contre  ceux  qui  ne  méditée 
pointfaloy^quinerobferuentpas,  s'ils  la 
méditent,  ou  qui  robferuent  exterieuremêt 
par  vn  de/ir  de  vaine  gloire,  pluftoft  que  par 
vn  véritable  fenciment  de  pieté. 

Nonchalans  &  parcfleux,  ne  vous  imagi- 
nez pas  que,  commeOauid  autrefois.  Dieu 
partage  vn  iour  les  dépouilles  entre  ceux 
qui  combattent,  &ceux  qui  gardent  le  ba- 
gage, il  maudit  ceux  qui  font  lafchemcnt 
fon  œuure.  Le  parent  dTJimelech  ,  dans 
i'Hiftoire  de  Ruth,  vouloit  bien  les  champs 
defa  pofleffion,maisil  ne  vouloit  pas  cf- 
pouferla  veuve  de  fon  fils ,  vous  voudriez 
bienauffipofTederrhonneurdc  cette  char- 
ge, &  reccuoir  vn  iour  les  couronnes  que 
Dieu  promet  à  la  fidélité  de  fcs  fciuiicurs, 
mais  vous  ne  voulez  pas  fubirlestrauaux 
qui  accompagnent  vn  cmploy  fi  difficile  ,& 
nevow  f)uucnez-pas  dece  qui  cft  dit  au 
liureé,^^>b  chapitre  5.  £1^  l'homme  eji  nay 


DE       l    Ey  A  N  G  I  L  E.  Çt 

fonr   le   trauaU,  comme  l'oyfeafi  four  voler. 
Mais  il  ne  (uffic  pas  d'enfcigncrlcs  Fidèles 
dans  le  Temple,  li  faut  encore  les  confoler, 
dans  leurs  lits  ^  dans  leurs  priions.  Corne 
Dieu  faitfon  fejour  auprès  des  coeurs  de- 
foJeZj  les  fcruiceurs  de  Dieu  s'y  doiucnj 
trouueraueclcurMaillre.  Ec  comme  en  céc 
€tat  l'homme  a  vn  plus  grand  befoin  de  fe- 
courSjleParteurdoic  Iciuy  dônerauecplus 
de  zèle.  Elizée  fe  raccourcie  pour  accom- 
moder Tes  bras  &  Tes  pieds,  aux  bras  &  aux 
pieds  de  l'enfant  de  la  Sunamite  .*  il  faut  que 
le  Pafleur  pour  donner  la  vie  a  1  affligé,  s'ac- 
commode à  fès  foibIefres,&  prenne  part 
a  fes  maux  -,  nous  deuons  quitter  les  maifôs 
ouTonfe  plonge  dans  la  joye  pour  entrer 
dans  les  maifons  de  duéil  ;  les  chambres  des 
malades  doiuent  eftre  noftre  demeure  ordi- 
naire.Les prifons  ne  nous  doiuêt  point  don- 
ner d'horreur^quand  il  y  faut  aller  vifitc?vn 
Fidèle  dans  les  chefnes.  Et  comme  Moife 
en  jettantdu  bois  dans  les  eaux  de  Mara  les 
rendit  douces,nous  deuons,auec  les  paroles 
de  rEfprit  de  Dieujadoucir  Tamertume  des 
cœurs  defoiez.  Mais  encore  en  cecy  il  faut 
que  nous  pafTions  condamnation  en  la  prc- 
fence  de  ce  grand  Dieu  qui  eft  tefmoin  de 
nos  œuures  6l  de  nos  penlées.  Combien  de 
fois  preferons-nous  ou  nos  diuertifTcmens 

H 


52  L  E    T  R  I  O  M  p  H  E 

OU  nos  affaires  à  vn  fi  necelTairc  deuoir.  Et 
combien  de  fois  bien  loin  d'aller  vifiier  de 
noflremouucmêt  ceux  que  nous  connoiffôs 
eftre  dans  rangoifre3  rrouuons-nous  inv 
portuns  ceux  qui  nous  appellent  pour  la 
confolation  des  malades^  Ôc  des  mourants  ? 
Vne  jufte  &  charitable  cenfure  n'eft  pas 
moins  neceiTaire  au  pécheur  que  la  confo- 
lation auxaffiigez.il  fauifdefcouvrir  a  IVn 
l'horreur  de  Ton  crime  &  de  fa  perte, comme 
il  faut  fouftenir  l'autre  par  l'efperance  du 
pardon,  &:  de  la  gloire.  On  n'oliit  point 
autresfois  de  coup  de  marteau  au  baftiment 
du  Temple  de  Salomon,c'eftoit  vne  figure 
du  repos  du  Temple  celefte,  mais  il  n'en  eft 
pasainfi  de  ce  tabernacle  de  Dieu  auecles 
hommes  que  nous  efleuonsicy-bas,  encore 
que  nous  faffions  oiiir  les  coups  de  marteau, 
nous  ne  laifions  pas  de  baftir  lamaifon  de 
Dieu,  i-z/i  de  l homme, t{\,.i\  dit  au  chap. m. 
d'Ezechiel,  le  t'ây  ejfab/y  four  guette  à  la  main 
d  Ifraely  tt$  ejconteras  les  paroles  de  ma  bouche , 
c!r  les  ref  rendras  de  far  moy^  quand  te  dtray  au 
mefchant,  tu  niotirras  de  7nort^  ér  que  tu  ne  l'au- 
ras f  oint  aduerty  four  le  dejlourner  de  fa  mef- 
chante  voye  afin  quil  viue^  ce  mefihant  mourra 
cnfon  iniquité^  é'ie  redemanderay  fon  fang  de 
ta  main.  Mais  continuons  àreconnoiflrcicy 
nos  deffauts^  afin  que  les  connoi/Tanc  nous 


DE      L*  E  Y  A  N  G  I  L  F.  J"^ 

ks  corrigions ,  &  que  les  corrigeant  nous 
puilfionsferuir  sivçc  plus  d'vtilicc  au  falut 
des  âmes  ,  &  a  1  auancemenc  du  règne  de 
Chrift.  N'ell-il  pas  vrayque  nous  méfions 
trop  fouuenc  quelque  pallion  dans  la  dif- 
pen/àrion  descenfures?  nous  flatterons  nos 
amis  dans  leurs  fautes.  Se  ferons  paflcr  pour 
des  crimes  les  avions  prefque  indifférentes 
de  ceux  que  nous  n'aymonspas^c'efta  dirô, 
nous  employerons  la  cenfure  comme  vne 
peine,  &  non  pas  comme  vn  remède,  pour 
fàtisfaire  noftre  vengeance,  &  non  pas  pour 
ramener  le  pécheur.  Nous  cenfurerons  en- 
core les  petits,  nous  e/pargnerons  les  grâds, 
&  au  lieu  de  leur  parler  genercufemenc 
comme  Moïfe  à  Pliarao,  comme  Nathan  à 
Dauid,  Eiie  à  Achabj  Saind:  lean  Baptifte  a 
Herode,  Saind:  Ambroifeau  grand  Theo- 
dofe, Maris c'eft  ancien  Euelque  de  Chal- 
ccdoine  à  luHen  TApodat.  Au  contraire, 
par  vne  lafchecomplaifance  nous  mettons 
leurs  moindres  vertus  au  nombre  des  héroï- 
ques, Ôc  fermant  les  yeux  à  leurs  aâions 
vitieufes,  nous  ferons  leur  éloge  lors  qu'il 
faudroittreuaillerà  leur  correâion  ,  &  les 
ioiierôs  lors  que  nous  les  deurions  reprcdre. 
Enfin  comme  les  Miniftres  de  l'Euangile 
font  des  MefTagers  de  Paix  ,ils  doiuent  tra- 
uaillcr  non  feulement  à  reconcilier  les  horn- 

H  z 


J4  Le     T  R  10  M  p  HE 

mesauec  Dieu,  mais  a  reconcilier  encore 
les  hommes  encr'eux^Iors  qu'ils  font  diuifez 
par  des  procezou  par  des  querelles.  Ceux 
quin'efcôutencpas  TEglife^quand  elle  leur 
parle,  doiuêt  eftrc  reputez  comme  des  pea- 
gers,  ôc  comme  des  infidelles  ;  Mais  il  faut 
donc  que  l'Eglife  parle  afin  qu'elle  foit  ef- 
coutée  -,  Il  faut  que  les  Miniftres  s'employêc 
auecfoin  à  ces  reconciliations,  afin  qu'en 
toutes  chofes,  ils  fe  tefmoignent  eftre  les 
Ambaffadeurs  de  celuy  qui  s  appelle  le  Prin- 
ce de  Paix.  Qn'il  eft  donc  bien  important 
aux  PafteurSjde  ne  fe  rendre  point  partiaux, 
&c  de  ne  fomenter  iamais  lesdiuifions  dans 
leurs  troupeaux. leremie  difoit  au  chapitre 
15.  defes  reuelations.  Bêlas  \  ma  mtre  vous 
ffiauez,  engendré  comme  ^vn  homme  de  dehat, 
(^  comme  vn  homme  de  difcorde  fur  toute  la 
ierre^  pource  qu  il  reprenoit  les  niefchants, 
lesmefchants  fe  declaroient  ks  ennemis. 
Soyons  en  ce  fens-là, des  hommes  de  dé- 
bat, &  des  hommes  de  difcorde,  ne  faifons 
jamais  la  paix  auec  le  péché,  ne  traittons 
jamais  alliance  auec  le  vice  ,  mais  foyons 
d'ailleurs  des  hommes  de  paix,  &  des  hom- 
mes de  côcorde  au  milieu  de  nos  troupeaux, 
NoflrePafque  àf^auoirChrifta'cfté  facrifié 
pour  nous,  vifitons  tous  les  endroits  de  la 
Maifon  de  Dieu  pour  voir  s'il  y  rcfte  quel- 


DE       l'  E  V    A  .V  G  I  L  E.  '51 

que  leuainjafin  que  nous  cclcbrios  la  fcftc, 
non  pasauecvnicuain  d'aigreur  &  de  mau- 
uaidié  >  mais  auec  vn  pain  fansleuain  de 
fimplicité  ÔL  de  vérité. 

Maisquand  vn  Pafteur  prefcheroit  auec 
fuccezla  parole  duSeigneur.Quandil  con- 
foleroit  les  affligez  auec  charité  :  Quand  il 
cenfureroic  les  pelc^îeurs  auec  zèle  •    Ec 
quand  il  appaiferoic  les  querelles  auec  pru- 
dence,  il  Te  feroit  bien  acquité  du  dcuoic 
d'yn  Pafteur,  mais  il  luy  refteroit  encore  à 
agir  en  fâ  conduite  comme  Fidellc,  &  a  pra- 
tiquer en  fa  vie  ,  ce  qu'il  enfeigne  dans  (es 
prédications.  Grégoire  premier  difoit ,  ^ue 
comme  le  Coq  bat  desaijlesyfe  ftque^  s'efueille 
fiymefme  j  aua»t  qu'il  réuetlle  les  autres  par 
fon  chant  ^  il  faut  aufsi  que  nous  nous  excitions 
nousmefme  à  bien  faire  ^  auant  que  nous  y  excU 
tions  les  autre  s, Il  (siut  que  nous  maichions 
les  premiers  dans  la  voye  de  la  pieté  auant 
<jue  nous  exhortions  les  autres  a  nous  fui- 
iire. Il  faut  que  nous  puiifions  dire  auec  S. 
Paul,  Soyez  mes  imitateurs  comme  aufsmoHS  le 
fommesde  C/4ri/?.  Autrement  eu  fauuant  les 
autres,  nous  nous  perdrions  nous  mefmej 
nousfcmcrjs  du  froment^  ^r  neus  moijfonnerions 
^eii[y^/A?^/,  nouscnfcignerionsla  vérité  par 
nos  difcours,  &  nous  renoncerions  au  falut 
par  noftrc  raauuaifc  vie.  L'Awftruchc  cft 


fS  Le    Triomphe 

proprement  en  cccy  rembleme  du  mauuais 
Pafteur^ellea  le  plumage  beau,  mais  il  ne 
luy  fert  que  d  ornement  ^elle  n'en  f^auroit 
voler.  L'éloquence,  le  fçauoir  &  la  diligen- 
ce d  vnPafteurqui  n'a  point  de  pieté,  ces 
chofeSj  dis-je,font  fa  réputation  ,  non  pas 
fon  falut,  &  paré  de  ces  ornemens ,  il  ne 
fçauroits'enuolerducofté  du  Ciel.  Arifto- 
giton  fuft  ridicule, lors  qu'après  auoir  parlé 
auecardeur ,  pour  obliger  les  Athéniens  à 
prendre  les  armes,  il  feignit  qu*il  cftoit  ma- 
lade afin  que  Phocion  ne  Tenrolaft  pas. 
Quoy,  vous  appellei  les  autres  au  combat 
contre  le  péché,  &  lafches  que  vous  eftes, 
vous  ne  lofez  vous  mefme  combattre  -,  Que 
fert-il  que  vous  prépariez  dans  vos  Sermons 
desahmentsfalutaires  à  vos  teoopcaux,  fi 
après  cela  par  vos  mauuais  exemples  vous 
y  meflez  du  poifon.Il  faut  que  les  Pafteurs 
foient  femblables  aux  eftoillesqui  luifent  à 
la  terre,  &  demeurent  attachées  au  Ciel,  il 
faut  qu*ils  efclairent  les  hommes  par  leur 
prédication,  &  quil  paroiflc  en  Icurcon- 
duitte,quedudefir&  de  la  penfée  ils  font 
toufiours  vnis  à  Dieu. 

Icfçay  bien  que  comme  les  Pyrates  atta- 
quent les  vaiffeaux  qu'ils  croyent  chargez 
de  plus  de  richeffes,  auflî  Satan  combat 
auec  plus  d'artifice  ceux  qui  ont  rcceu  de 


DE      T*  E  V  A  NG  l  L  E.  57 

Dieu  plus  de  lumières,  &  qui  ont  efté  ap- 
peliez a  vaemploy  plus  releué.Ie  f^ay  bic 
qu'il  a  demandé  de  cribler  les  Pafteurs  aulfi 
bien  qu'autrefois  Saind  Pierre  ,  qu'ils  leur 
tend  des  pièges  de  toutes  parts  :  Que  tantoft 
par  quelque  vaine  fumée  de  gloire,  tantoft 
par  i  efclat  des  richefles il  taiche  de  feduire 
leurs  cœurs,  &  d'y  enfanter  ou  l'ambition, 
oul'auarice.  le  f^ay  bien  que  ce  font  ces 
deuxpafiions  violentes  qui  ont  corrompu 
le.Clergé  Romain  î  Ces  Prélats  fuperbes 
ayant  changé  leur  houlette  en  vn  fceptrCjÔc 
leur  miniftere  en  tyrannie.  Mais  le  péril 
vous  doit  rendre  fages,  &  non  pas  abbatre 
vos  cœurs:  &:fi  voftre  aduerfalre  eft  toiir 
joursautour  de  vous  cherchant  à  vous  de-* 
uorer,  vous  en  deuez  deuenir  plus  fobres  Se 
plus  vigilants. 

O  Fidelles  Miniftres  du  Seigneur  lefus, 
prenez  garde  à  vos  âmes.  Que  la  vanité  & 
l'ambition  en  (oient  toujours  éloignées. 
Sounencz- vous  que  vous  eftcs  Miniftres  de 
ce  Chrift  qui  eftant  en  forme  de  Dieu  ^'ayac 
fowt  réputé  rapine  d'être  égal  à  Dieu^  a  vonUà 
prtndreU  forme  de  Sernitear,  Et  vous  qui 
eftcs  Seruiteurs  pretendriez-vous  monter 
fur  le  ihrône  de  vôtre  Maiftre.  Mais  quoy,  fi 
Dieu  vous  a  comblez  de  fes  dons ,  n'eft-cc 
pas  afin  que  vous  luy  en  rapportiez  toute 


j8  LE    Triomphe 

la  gloire?  &plus  vous  en  auez  rcecu  & 
pluj  vous  luy  cftes  rçdcuabtes.  Le  vieux 
Hillel  ditbic  que  celuy  qui  veut  étendre  fa 
gloire  la  perdra. Et  quoy  qu'il  en  foir^le  Mi- 
mftre  ambitieux  fait  comme  les  vers  à  foyc 
de  qui  tout  le  trauail  abboutic  à  fe  faire  vn 
riche  tombeau,  il  amalTe  quelque  vain  re- 
pom,  ik  fe  procure  la  mort  ;  il  s'expofe  à 
la  fcuerité  du  jugement  de  Dieu  pour  ga- 
gnei  l'eilimc  des  hommes.  EtiJ  artiue  lou- 
uent  que  mefme  dés  cette  vie  Dieu  luy  oftc 
fes  richeflesj  pource  qu'il  les  monftre  com- 
me le  Roy  Ezechias  auec  oftentation.//  ff'ejl 
fasbondefefaotiler  demiel^àiÇahlc  Sage  au 
2y-  des  Prouerbcs  cette  vaine  gloire  eft  du 
miel  à  noftre  Palaisj  mais  elle  le  change  ct> 
amtrrume.  Les  rayons  du  Soleil  encore 
qu  ils  ibmondrent  admirables  à  nos  yeux, 
uefclairent  pas  pourtant  afin  d'eftre  ytixs^ 
eux  mefmes,  mais  pour  nous  faire  voir  le 
reile  des  choses,  tt  les  Pafteurs  qui  font 
comme  les  rayons  que  femc  de  toutcs^parts 
rOrientd'enhâut,  le  Soleil  de  luftice ,  ne 
doiuent  pas  luire  pour  cux-mefme,  mais 
pouramencrleshommes  à  Chrift  :  ils  nç 
doiuentpas  chercher  leur  gloire,  mais  celle 
deJeurMaittre,  ny  fe  prclcher  eux-mefrae, 
maisprefcher  Chriil:. 

Mais  fur  coûtes  chofes  que  rauaricenc 

tente 


DE       l'  E  V   A  N  G  I  L   E.  5^ 

tente  iamais  vos  cœurs.   Pour  monter  au 
CieljElielaiila  toutes  choies  lulques  à  ia 
manteliue.Nûusnel^aurions  voler  vers  lé 
Paradis  auec  ces  aiflcs  d'or  dunt  parle  vrt 
Poète  Grec,ùi(ant  de  la  matière  la  plus  pe-» 
fente,  ce  qui  doit  e(he  le  plus  léger.  Cèdre* 
nus  rapporte  que  cette  belle  perle  donc  va 
Roy  de  Perfe  tairoicfon  plus  précieux  tre» 
for^auoit  vn  chien  matin  pour  la  garde ,  fî 
bien  que  celuy  qui  enteprift  de  la  pe/eher 
n*eullquele  temps  de  meure  le  bras  hors  de 
l'eau,  pour  la  bailler  a  fes  compagnons ,  Se 
ce  chien  le  deuora  fur  l'heure.  Les  richefles 
ont  vn  Démon  à  leur  fuitte,  ccdk  qui  Te 
Client  pour  lesacquerir,  à  peine  lespofle- 
dent  ils  vnmoment,a  peine  ont-ils  le  loifir 
d'en  difpoferenfaueur  de  leurs  héritiers  5  & 
voila  ce  Démon  les  entraifnedans  lesabyf- 
nieS;,&  fe  repaift  de  leurs  tourmens.  Vous 
qui  parlez  ordinairement  des  richefles  du 
Paradis,  comment  ne  eonceuez-vous  pas 
vn  jufte  defdain  pour  celles  de  la  terre. 
Qu'elle  paroilt  fombre^cette  terre  a  des  yeux 
qui  ont  defcouuert  les  clartez    du   Ciel  i 
qu'vn  peu  de  poudre  fe  peat  malaifemcnc 
comparerai  excellence  de  cette  gloire  !  6c 
qu'on  eftpeu  amoureux  de  nos  plaines,  & 
de  nosm  )ntagiies,quand  onelpere  l'cften- 
due  du  Hrnunicnc  pour  [on  partage. 

I 


^O  L  E    T  R  I  0  M  P  H  i 

Si  vous  cftes  donc  combourgeois   dc^ 
Salnds  Ôc  domeftiqucs  de  Dieu,  que  vos 
meurs  foienc  faintes,  de  que  voftre  couucr- 
fation  foit  toute  celefte  j  fi  vous  eftcs  re- 
fufcitez  auec  Chrift,  cherchez  les  chofes 
qui  font  d'enhaut.Puifque  vous  aués  vn  em- 
ployqui  feroit glorieux, me fme  à  vn  Ange, 
il  faut  que  vous  meniez  vne  vie  toute  an- 
gelique-lair  &  la  teinture  de  la  pieté  doiuet 
parojftre  en  toutes  vos  adions ,  &  tous  vos 
difcours  doiuent  eftre  confits  en  fcl  auec 
grâce.  Ge  n'cft  pasièulement  fur  la  chaire, 
&  dans  le  Temple  que  vous  deuez  agir  en 
Minières  de  Chrift.  Par  tout  vous  deuez 
vous  confiderer  comme  les  vainqueurs  du 
Monde,  les  conquérants  des  âmes,  &  les 
niomphateurs  de  Terreur  &  du  peché.Cettc. 
penfée  nous  doit  rendre  graues&  non  pas- 
fuperbes:  ferieux,  non  pas  arrogans.   Va 
JVliniltre  du  Seigneur  lefus  doit  meflervnc 
fainâe  granité  auec  vne  agréable  douceur^ 
ilnedojtny  affeder  vne  aufterité  barbare, 
nydefcendreàdes  railleries  baffes  &  pro- 
phanes  :  il  doit  eflre  feuere  fans  eftre  farou- 
che; il  doit  eftre  agréable  fans  eflre  bouffon: 
il  doit  conferuer  quelque  chofe  de  ferieux 
lors  mefmcqu'ils  affranchit  d'auantage,  & 
il  doitauoir  quelque  chofe  de  doux  ,  lors 
mcfme  qu'il  agit  auec  plus  de  feuerité.  Ses 


DE       L*  E  V  A  N  G  X  L  E.  6l 

diïcours  ordinaires  doiuent  apporter  du 
fruiâ  5  lors  qu'il  femble  s'clloigner  le 
plus  du  ftylc  de  ceux  qui  cnfeignenc.  Il  faut 
qu'il  melle  de  fecrettes  levons  dans  fcs  dif. 
cours,  qui  s'infinuenc  d'autant  plus  facile- 
ment, qu  elles  portent  moins  le  vilage  d'en- 
feignemens  &  de  le<îons. 

Vn  diuertiflement  honnefte,  peut  feruir 
à  la  fanté  de  fon  corps  &  à  la  bonne  difpo- 
fition  même  de  fon  Efprit,  mais  il  oie  doic 
pas  s'y  abandonner,  puis  que  tous  les  mo- 
ments de  fa  vie  luy  lont  précieux.  Le  So- 
leil court  toujours  fans  fe  repofer,  le  Pa- 
fleur  ne  peut  pas  agir  ainfi  fansrelafchc: 
Mais  comme  le  Soleil  en  fes  diuers  moui 
uements  ne  va  iamaisaudelà  de  fes  tropi- 
ques, &  ne  s'efloigne  iamais  de  la  ligne  de 
l'Equinoxe  qued'vne  diftance  réglée,  ainfi 
le  Parteur  doit  faire  eftat  que  les  occupa- 
tions de  fa  charge^la  predicatio  de  la  parole^ 
la  confolation  des  affligez,  Tadminidration 
des  Sacrements ,  &  la  pratique  de  la  dit 
cipiinc,  font  comme  la  ligne  de  laquelle  il 
ne  fc  doit  guère  efloigner  ;  &:  la  gloire  de 
Dieu  &  l'édification  du  prochain  font  tou- 
jours comme  les  tropiques  &  les  bornes,  au 
delà  defquellesilneloy  eft  pas  permis  de 
s'eftendrc  &  de  s'efgarer. 

Voila,  Mes  Frères,  au  moins  fi  ie  le  con- 

la 


6z  LeTriomphi 

çois  bien,  qu'elles  doiuent  eftre  nosdifpôfi- 
tjons  5  11  nous  voulons  triompher  auec  les 
i\portres  en  Nollre  Seigneur  lefus-Chrift  : 
mais  pour  eftre  dlfpofé  de  cette  forte,  il  faut 
implorer  laffiftance  de  Dieu,  &  attendre 
toutes  chofes  de  celuy  pour  lequel  nous 
combattons  :  C'eftluy  qui  nous  peut  ren- 
dre puiflans  aux  Efcritures  corne  Apollos, 
qui  nous  peut  donner  vne  voix  de  tonnerre 
comme  aux  Enfans  de  Zebedée,  qui  nous 
met  en  main  le  baume  de  Galaad ,  pour  ap- 
pliquer aux  bleffures  des  affligez,  qui  accô- 
pagnant  fà  parole  en  noftre  bouche  de  l'effi- 
fcace  de  fonEfprit,  nous  fait  eftre  des  inftru- 
mens  de  concorde,  C'eft  luy  de  qui  la  force 
pousfuflfît,  &  de  qui  la  vertu  fe  parfait  en 
poftreinfirmitéi  C'eft  luy  qui  nous  fait  vain- 
cre &  qui  nous  fait  triompher.  Que  noftre 
amedouc  le  beniflc  comme  TAutheur  de 
toute  bonne  donation^  &  que  tout  ce  qui  cft: 
au  dedans  de  nouS;,  loùç  le  nom  de  fa  fain- 
cleté.Et  ïil  ejîpour  nous^  qui  fer  a  ce  titre  nous  : 
que  le  Ciel  tonne,  que  la  Mer  efcume,  que 
la  terre  tremble,  que  les  tyrans  menacent, 
que   les  bourreaux  s'appreftcnt,  que  les 
feux  s'allgroent,  que  les  roïies  fe  dreffent, 
que  la  mort  auec  fbn  plus  terrible  appareil 
fe  prefenteà  pouç^au  nom  du  Seigneur  le- 
fus^çpus  npseorjemis  fei:ont  vaincus,  au 


D  B       L*  E  V  A  N  G  I  L  E.  6j 

nom  du  Seigneur  lefus  ils  feront  eftçint^ 
comnïe  vn  feu  d'eftoupe.  Courage  donc, 
Mes  FrereSj  Mes  tres-chcrs  ticrts  ,  fous  I4 
proteâion  d'vn  fi  grand  Mailhe.  Vous  ne 
deuez  rien  craindre  ,  allez  trauaillcr  a^cç 
vn  nouueau  zèle  en  la  vigne  du  Seigneur^ 
paiflez  fou  troupeau,  édifiez  fa  maifon* 
Combattez  pour  fa  querelle  :  Recherche  4 
la  brebis  perdue  -,  Ramenez  celle  quielt  te-? 
;ettée,  &  fortifiez  celle  qui  eftoit  malade. 
Parlez  lesparoles  de  Dieu:  cafchez  de  plaire 
au  Seigneur,  non  pas  d'agréer  aux  honrmcs^* 
Cherchez  lefalutdes  fidèles,  &c  non  pai 
voftre  vtihté  :  Veillez  pour  les  âmes  de 
ceux  qui  font  commis  a  voftre  conduite, 
comme  ayans  a  en  rendre  conte  :  Prefçhtz 
l'Euangile  :  Publiez  l'an  de  la  bien*  veilUn- 
ce  de  TEternel  :  Annoncez  les  chofes  mar 
gnifiquesde  Dieu  ,  Prelentez  aux  Hdeles 
lesricheffesimmenfes  delà  charité  du  Père, 
&le  prixinfiny  desfouffraucesde Ton  Fils. 
Preffez, arguez  ,  cenfurez  ,  exhotcez  auec 
dodrine^auec  modeftte  ,  en  temps  ôc  hors 
temps.  Auec  le  marteau  de  la  parole  brifez 
la  dureté  des  coeurs.  Auec  rcfpée  de  TEf- 
pnt  coupez  la  gorge  à  Terreur,  &  aucC  le 
boucher  de  la  foy  cfteignez  les  traits  en- 
flammez de  refpru  malin.   iMais  de  peur 
qu  ayant  prcfchc  aux  autres,  tous  ne  foytz 


^4  LbTriomphe 

trouuez  vous  mefmc  non  reccuabics,  foyez 
comme  des  flambeaux  au  monde  portant  au 
dcuant  de  vous  la  parole  de  vie ,  dites  à  la 
vérité,  tu  es  mafœttr,  Se  que  la  pieté  foie  vo- 
ftrc  fidèle  compagne,  &  la  vérité  vous  fer- 
uira  de  bouclier,  vous  n  aurez  point  de  peur 
de  ce  qui  e/pouuante  de  nui(ft,  ny  de  la  flet 
che  qui  vole  de  jour  ^  ny  de  la  mortalité  qui 
chemine  en  ténèbres,  ny  de  la  deftrudion 
qui  degafte  en  plein  midy.  Âe^dez^^vous  re* 
commandahles  en  toutes  chofes^  comme  ejiant 
Mimfires  de  Dieu^en  grande  patience  ^  en  affii^ 
If  ions  j  en  necepitez^  en  angoijfes ,  en  battmes^ 
en prifons^en troubles^  en  trauaUx^en  veilles^ en 
iujlice^  en  pureté.  Par  connoijfance^  far  vn  efprit 
patient^  far  bénigne  ê^  par  le  Sainà  Ejprit ,  par 
charité  non  feinte,  par  laparole  de  vérité,  par 
lapuijfancede  Dieu, par  armes  deiufiice  adroit 
te  &  à  gauche  ,  parmj  honneur  à*  ignominie^ 
parmy  diffame  &  bonne  renommée^  comme  fe du- 
Beurs^  è*  tout esfois  véritables  :  comme  incon- 
nus toutesfois  reconnus  comme  mourans^  é*  '^oi* 
cy  nousviuons,  comme  chajliez,  ^  é*  toutesfois 
ftonmisàmort ,  comme contnjlez  0*  toutesfois 
toujiours  ioyeux^comme pauures  &  touesfois en^ 
richiffantplufieurs^  comme  n*ay ans  rien  &  tou^ 
tesfcisp^edans  toutes  chofes.  Q  Mes  Frères, 
mes  tres^aore^  Jreres',  ^Jf^^,  Couche  ejl 
9uuerte^é' nope  l;^eft  eprgjfpl^ufsi  mon 


■c?* 

^.'"'' 


D  I      L*E  V  A  N  Gl  1  É.  €$ 

VieufuffUer^  tout  a  dont  njous  âuac  phil, 
tefâwjelû^jis  rkhejfis ,  auec  gloire  en  ^'^^* 
JefuS'ChriJi. 

Et  vous,  ôFidellcs!  N'eftcs  vous 
paslaifisdVne  fainâc  joyc,  voyant 
au  milieu  de  vous  tant  de  Minières 
deTEuangile^tant  de  Seruitcurs  de 
lefus-Chrift  qui  y  font  affcmblez 
pour  le  commun  bien  des  Eglifes  de 
cette  Prouincc  ?  Et  fi  autresfois  les 
peuples  auoient  accouftumé  de  dire 
à  l'entrée  des  Empereurs  Romains  : 
fuifiions-mus  voirjouuent  de  telles  iour^ 
nées.  Ne  deuez-vous  pas  à  cette  heu- 
re faire  de  femblables  fouhaits,  & 
pouffer  des  vœux  au  Ciel  à  ce  que 
youspuiffiez  voir  fouuent  des  jour- 
nées aufli  heureufes.N'eûes-vous  pas 
noftreconqueftc  au  Seigneur  ?  N'c- 
ftes-vous  pas  noftre  joye,  &  noftre 
couronne  ?  N*eftes-vous  pas  du  nom- 
bre de  ceux  à  qui  TEuangile  que  nous 
annonçons  eft  odeur  de  vie  à  vie 
pour  eftre  {z\xwzz'>  Rendez,  donc  grâces 
au  F  ère  qui  vous  a  rendus  capables  de 
farticifer  à  l'héritage  des  Saints  en  U 
lumière- 

Maisfouucncz-vous  que  pour  par- 
ticiper à  l'héritage  des  Sain(il$,ii  faut 


(6  L«     T  R  r  O  M  P  H  E 

iTiCncrla  vicdes  Sainûs,  ilfaut  dc/pouille^ 
le  vieil  homme  5  &:  élire  reueftus  du  nou-^ 
ueaiî.  Foicy  les  chofes  vieilles  font  fAJfces^  toutes 
chojes  font  faites  nouuelles ,  fi  quelquvn  eji  en 
Chnfi^qti'd  foit  nouuelU  créature.  Vous  eftcs 
les  bien-heureux  captifs  du  Seigneur  lefus, 
par  le  miniftere  de  fes  /eruiteurs  il  a  triom- 
phé de  vous,  pourquoy  donc  coniinucriez- 
vousà  luycltredeibbeyflans?5c  pourquoy 
ne  luy  feriez-vous  pas  vn  f  enfle  de  franc 
i/(7;</(?/r?Siquelquesfoisil  fe  rencontre  dans 
TEglifc  des  pafteurs  de  qui  la  vie  ne  foit 
pas  aflcz  bonne  5  ny  les  inclinations  aiTez 
pures  5'louuenez-vous  de  ce  que  Noftrc 
Sauueur  Ci\{o\t  des  Doâeurs  des  luifs  ^  qu  il 
falloir  faire  ce  qu'ils  cnfeignoient  en  la 
Chaire  de  Aloïfcjmais  qu'il  né  falloft  pas 
faire  félon  leurs  œuures.  Comme  nous  né 
nous  deuons  pas  pre/cher  nous  mcfme, 
mais prefcher Chrift ;  Aulfine  deuons-nouî 
pas  nous  propofer  nous-mefmepour  lemo-' 
dele  de  vos  adions  ;  mais  nous  vous  propo- 
fons  le  Seigneur  lefus  luy-mefmc  qui  efï 
rinnocent&le  juftc-,  C'cft  celuy  dTùquel 
vousdeuez  imiter  la  pieté,  ^  contemplant 
fa  gloire  dans  l'EuangiIccomme- dans  vit 
miroir, vous  deuez  eitre  transfermez  en  1^ 
mefme  image  dé  gloire  en"  gloire  comme 
par  rEfprit  du  Seigneur.  L*ei^enence  vous 

pourra^ 


DE       L*  E  V  A  N  O  I  L  il  éj 

poHrra  cependant  faire  connoidre  la  vérité 
decequcdiloit  vn  Ancien  ,  que  c'cft  vnc 
marque  d'vne  amc  peu  religieufc  d'cplucher 
trop  curieufement  la  vie  de  fon  Pafteurpour 
auoirians  doute  vn  prétexte  à  les  desbau* 
chcs. 

Venez  donc  5  Mes  Frères,  &  vous  que 
Dieu  a  honorez  delà  charge  du  Saint  Mi- 
nidere,  &:  vous  qui  compofez  le  facré  trou- 
peau du  Seigneur,  venez  &  paflpns   tous 
enfemble  condamnation  deuant  Dieu,  de 
ne  1  auoir  pas  feruy  auec  affez  de  fidélité,  de 
ne  1  auoir  pas  aymé  auec  aifez  d'ardeur.  Se 
de  ne  nous  eflre  pas  enfin  acquitez  de 
ngftre  deuoir  aflez  religieufenient  ;  entrôs 
â  l'aduenir  en  vne  iàinte  émulation  ,  les 
troupeaux  auec  leurs  Pafteurs,  les  Pafteurs 
auec  leufs  troupeaux,  à  qui  s'employera  à 
l'œuvre  du  Seigneur  auec  plus  de  zelc,  ou 
les  Fadeurs  à  indruire,  ou  les  troupeaux  à 
3pprendrc,ou  les  Padeurs  a  confoler^ou  les 
troupeaux  à  foudenir  les  affligions  auec 
patience  en  profitant  de  leurs  confolatiôs  ^ 
ou  enfin  les  Padeurs  à  cenfurer  ceux  qui 
peche?it,  ou  les  troupeaux  i  fe  corriger  a 
l'oiiye  de  leurs  cenfures.  Nous  nous  humi- 
lions tous  dcuanttoy,Seigneurnodre  Dieu 
aye  pitic  de  nous^aye  pitié  de  nous  fanâific 

K 


éZ  L  E      T  R  I  O  M  P  11  1 

nousparta  vcritCjta  parole  cft  vcritc.  Con- 
duynous  par  ton  Efprit  dâs  la  voyc  de 
jufticc,  &fay  qu'vn  iour  lors  que  nousap- 
paroiftrons  deuant  le  Seigneur  lefus  qui  eft 
le  luge  des  viuancs  &  des  mores,  nous  puif- 
fîonsen  teprefcntant  nos  troupeaux  dire. 
Nous  voky  nous  (jr  Us  cnfas  que  tu  mus  as  don- 
nés Et  qu'à  mefme  têps  nous  puifliôs  enten- 
dre de  ta  bouche,  cette  douce, cette  fauo- 
rable  refponfe.  Venez  bons  feruitcuts  & 
loyaux^entrez  en  la  joye  de voftre  Seigneur. 
A  Dieu  feul  fage,Pcrc,Fils  &  Sàinâ  Erprir, 
foit  honneur  &  gloire,  empire  &  magni- 
lîceacc  es  fieclcs. 

AMEN, 


■5. 


I